Vive le divorce de sommeil!
Vivre ensemble mais ne pas dormir ensemble, c’est bien ou c’est pas bien? Vaste débat, mais la tendance est là. Et pas que chez les seniors.
Les anglais ont évidemment trouvé une expression punchy pour ça : lesleeping divorce. Autrement dit le divorce de sommeil. Oui, avant on appelait ça basiquement «faire chambres séparées» ou «faire chambre à part» et c’était connoté papi et mamie en pyjama, qui ont officialisé la paix des sens parce qu’à un certain âge on n’a plus trop envie de rapprochements corporels et d’échanges de fluides, donc on cohabite (on ne rigole pas sur ce mot, merci) dans une relation de bon compagnonnage et de nuits paisibles. Ce qui n’est évidemment pas vrai, enfin... pas toujours. Il y a des tas d’autres raisons pour dire un jour, quand le petit dernier quitte le nid: «Oh ben je vais prendre sa chambre, comme Monsieur ronfle et que moi j’ai la vessie paresseuse, c’est plus simple». Bon, on peut cumuler hein, ronfler ET avoir la vessie paresseuse ET avoir envie de dormir tranquille ou plutôt ne pas dormir tranquille, car avec l’âge, le sommeil est de moins en moins bon. Ce qui n’empêche en rien les câlins chez l’un ou chez l’autre.
Mais il paraît... oui je sais, le mot «paraît ne fait pas très scientifique. Disons que selon les études/sondages/témoignages, il ressort que de plus en plus de jeunes optent pour des chambres à part. 25 % des Américains dormiraient déjà séparément. Seulement voilà, cela ne se crie pas sur les toits. Il existe encore une symbolique très forte autour du lit commun: quand on s’aime on dort ensemble, et si on ne dort plus ensemble mmmh c’est suspect, il y a du désamour dans l’air, un cadavre dans le tiroir ou un amant dans l’armoire. Dans un récent reportage de la RTS, un architecte racontait que la tendance se retrouve dans les choix immobiliers. Mais moyennement assumée. Les clients coincent parfois sur la grande chambre parentale et en demandent deux petites, sans vraiment dire pourquoi, et puis le promoteur finit par comprendre qu’ils ne dorment plus ensemble. L’aspect immobilier est évidemment un obstacle à ce choix de vie. Deux personnes, quatre pièces? Et plus avec des enfants? Dans les faits, le divorce de sommeil est réservé aux mariages privilégiés. Entre crise de couple et crise du logement, il va falloir choisir.
Au-delà des aspects pratiques, cette évolution pose une vraie question. La génération qui arrive sur le marché de l’amour déconstruit (c’est marrant ce terme du bâtiment pour des sentiments) a des parents divorcés recomposés et décomposés, et a peut-être compris que pour durer, il peut être sain de se défusionner un peu, de garder des moments d’intimité, et de sortir du concept de «moitié», y compris dans le lit. Et ça, on ne peut qu’approuver. Mais je soupçonne, et je ne suis pas la seule, qu’il y a un autre argument un peu plus flippant: les gens veulent désormais être peinards avec leurs écrans. Regarder ce qu’ils veulent quand ils veulent. Et préfèrent donc dormir avec leurs smartphones qu’avec leurs amoureux. Si c’est ça les amis, on ne va pas forcément vers le beau.
Enfin, une copine m’a soumis une théorie intéressante: «Ceux qui font comptes séparés font lits séparés». Euh... pardon, mais ce n’est pas très scientifique non plus ça. C’est comme ça chez vous? Moi pas, j’ai toujours fait comptes séparés (faut pas déconner) et lit commun. Mais là, sur le tard, j’ai trouvé la martingale. Non seulement je fais lits séparés, mais appartements séparés, villes séparées, et même pays séparés! Ouiii, lorsque vous avez dormi pendant 20 ans avec un conjoint, et que tout à coup pouf, divorce, vous vous retrouvez à dormir seule, vous vous retrouvez avec sur la table de nuit la lampe, le réveil, les livres, les médicaments, le verre d’eau, les crèmes diverses, le chargeur et les lunettes de lecture... Et de l’ex-côté de l’ex-mari, les journaux, l’ordinateur, le téléphone, le chat, le chocolat noir, voire un Monsieur de passage si ça se présente. On s’habitue bien à cette situation, et si on se remet en couple après, il n’est pas évident de redormir avec quelqu’un. Alors la relation à distance, c’est plein de problèmes, mais cela permet d’alterner les moments avec et les moments sans, d’avoir le beurre, l’argent du beurre et le cul non pas de la crémière mais d’un parisien sexy qui travaille... dans l’immobilier.