Vers la fin des logements sous-occupés?
Lorsque les enfants quittent le nid familial, les m2 libérés ne sont généralement pas remis sur le marché, laissant aux parents tout le loisir d’occuper l’espace comme bon leur semble. Mais par temps de pénurie, la situation n’est plus viable.
« Cauchemars», «perte de temps», «tri forcé»... les termes pour qualifier un déménagement sont nombreux et souvent peu élogieux. Si cette étape de vie constitue une véritable épreuve de temps, d’énergie et de patience, les Suisses se l’infligent principalement par nécessité, celle d’espace supplémentaire. C’est du moins ce qu’ont observé la Haute école des sciences appliquées de Zurich et l’Office fédéral du logement dans une étude publiée en juin. Un déménagement serait donc fréquemment motivé par le désir de m2 en plus, tout en sachant que la taille idéale d’un logement consisterait à pouvoir disposer de deux pièces de plus pour les Helvètes.
Toujours plus d’espace
Mais comment les Suisses utilisent-ils cet espace supplémentaire par la suite? Les chercheurs ont constaté trois types d’usages. Ceux liés à l’hygiène (répondant à des besoins fondamentaux), comme le salon, la salle à manger ou la chambre à coucher. Les usages relevant du bien-être, à l’instar du bureau, de la chambre d’amis ou de la chambre d’enfant. À noter que la pièce de travail tend à devenir de plus en plus un facteur d’hygiène selon les analystes (61% des personnes interrogées souhaiteraient en disposer). Enfin, reste l’usage affilié à des « facteurs de richesse », mais qui ne concerne que 15% des répondants indiquant avoir un dressing ou une salle de jeux.
Bien entendu, dans l’idéal, tout le monde aimerait trouver un bien qui coche toutes ces cases... à prix cassé. Mais la réalité du marché immobilier sur l’Arc lémanique étant celle qu’elle est, autant dire que c’est «mission impossible».
Des parents bien lotis
Partant de ce constat, sur quels aspects la population est-elle prête à rogner lors de sa recherche d’un nouveau toit? Réponse: la typologie du bien (maison ou appartement), d’autant que le souhait de devenir propriétaire s’étiole avec l’âge, relève l’étude. À l’inverse, deux critères semblent inflexibles dans la quête d’une nouvelle habitation: le nombre de pièces et le prix.
Et c’est bien là que le bât blesse, puisque personne ne souhaite passer d’un grand logement à plus petit. Or, lors de départs d’enfants quittant le foyer familial, 52% des parents se retrouvant seuls (surnommés les empty nesters) ne se sentiraient pas prêts à renoncer à leur pièce excédentaire. De même, avec l’âge, 56% d’entre eux partent du principe que les frais mensuels du logement seront très vraisemblablement augmentés en cas de déménagement, ce qui dissuade grandement.
Un potentiel de 170’000 logements
De ce fait, les seniors sont bel et bien ceux qui déménagent le moins, confirme l’étude. Pourtant conscients du surplus de surface utilisé, ces «empty nesters» sont malgré tout 70% à ne pas souhaiter diminuer la taille de leur logement. En cause: le manque évident d’offre, le risque de situation dégradée, le déménagement en lui-même, le déracinement social engendré, le tout pour un prix potentiellement plus élevé... cela ne fait pas rêver.
Néanmoins, une étude publiée cette fois-ci par la banque Raiffeisen en février dernier, estime qu’en répartissant mieux les surfaces louées des appartements en Suisse, l’équivalent de 170’000 logements de 100 m2 pourrait être libéré. «Une spéculation théorique», avertit l’auteur mais qui illustre le potentiel que représentent ces biens actuellement sous-occupés. «Cette consommation excessive de surface est aujourd’hui soutenue par le droit du bail en vigueur, aux frais des jeunes générations, des nouveaux arrivants et de tous ceux qui sont tout bonnement forcés de déménager», lit-on dans le rapport.
Lausanne joue les entremetteurs
Alors que fait-on? La Ville de Lausanne s’est essayée cette année (avec la Société Immobilière Lausannoise pour le Logement) à jouer les intermédiaires entre familles et seniors. Un projet pilote d’échange d’appartements au sein de leur propre patrimoine ayant pour but de lever les freins logistiques et financiers de cette pratique encore méconnue mais efficace.
Trois mois après son lancement, cette démarche semble porter timidement ses fruits. Sur un bassin de 147 familles éligibles, 53 se sont montrées intéressées et 8 ménages de la catégorie des ainés ont exprimé leur intérêt pour un échange (sur les 98 identifiés). Les binômes sont en train de se former grâce à la Municipalité qui chapeaute ce croisement jusqu’en décembre prochain, veillant tout au long du processus à ce que les deux parties soient gagnantes. À voir si l’initiative aura donné des idées à d’autres villes romandes mais dans le contexte de pénurie de logement actuel, toute solution est bonne à prendre.