Vers la fin des blocages populaires?
Une architecte chercheuse en urbanisme propose d’intégrer de façon inédite et réaliste la volonté majoritaire des futurs usagers dans la conception de projets de quartiers, évitant ainsi les perpétuels recours a posteriori.
Dans le canton de Vaud, les exemples de projets immobiliers retardés, bloqués voire avortés se multiplient. Parmi eux, les «Grands-Prés» à Montreux, «En Praz Grisoud» à Blonay-Saint-Légier ou encore «Sus le Jordil» à St-Sulpice ont vu dernièrement leurs plans contrecarrés par l’opposition populaire. Du côté de Genève, ce ne sont pas moins de 30% des projets qui provoquent des recours en moyenne. Une situation intenable, tant pour les développeurs qui prennent des risques financiers et perdent un temps considérable, que pour les citoyens qui ne se sentent pas écoutés.
Pendant ce temps-là, la pénurie de logements fait rage dans l’Arc lémanique... il devient donc urgent de trouver des solutions, des compromis, et vite. Certains quartiers en cours de planification tentent de nouvelles pratiques à l’aide de ma- quettes, gommettes, dessins, post-it, le tout basé sur l’intelligence collective, mais l’effort reste insuffisant pour le moment. Les responsables de projets se retrouvent dans ces cas-là avec une masse d’idées qu’ils doivent réinterpréter pour les rendre applicables, concrètes ou réalistes. Alors, comme nous le mentionnions dans nos pages cet été (édition du 3 juillet), la démocratie serait-elle fatalement un frein au développement immobilier?
Trois phases pour légitimer
Pas pour Sandrine Damour, architecte (bureau Damour Création à Carouge) et chercheuse en urbanisme qui vient de créer GETHERplan, une méthode novatrice et un outil protégé pour pallier ce manque de légitimité des projets aux yeux de la population et rendre ces derniers ensuite inattaquables. Sans pouvoir nous dévoiler les dessous de cette innovation primée en avril dernier, la chercheuse nous décrit les grandes lignes de son concept.
«Il s’agit d’une méthode en trois phases. Il y a tout d’abord une étape de prépa- ration avec les professionnels et développeurs pour exprimer les intentions du projet et ses contraintes imposées. Vient après, dans un deuxième temps, la phase de concertation avec des groupes de citoyens qui vont se servir d’une application (outil conçu par mes soins) pour proposer des idées pour ce nouveau quartier, en tenant compte des limites prédéfinies par les experts, le tout au travers de plans et d'images 3D. Pour finir, il y a l’analyse qui servira à faire ressortir de ce brainstorming des propositions majoritaires, concordantes et pertinentes, directement intégrables au projet», précise Sandrine Damour.
Un test en conditions réelles
Testé à la Quinzaine genevoise de l’urbanisme il y a plusieurs mois, GETHERplan avait réussi à co-construire le quartier d’avenir du Grand-Lancy en réunissant une soixantaine de personnes durant 1h30. Malgré le temps réduit, les contraintes imposées par les autorités, des outils (plans et 3D) méconnus du grand public... Une fois n’est pas coutume, porteurs de projet et potentiels futurs usagers ont trouvé rapidement un terrain d’entente sur des envies communes. A voir maintenant si cela sera expérimenté en version grandeur nature, sur la réalisation d’un quartier dans les prochains mois. En tout cas, GETHER- plan est prêt à l’usage. A suivre.