Logements

Une pénurie à ne pas sous-estimer

A l’opposé de nombreux spécialistes, les analystes de Raiffeisen font état d’un marché locatif alarmant en Suisse, qu’il ne s’agirait plus de prendre à la légère. Explications.

Le nombre de logements locatifs disponibles a baissé de plus de 50% en deux ans
Le nombre de logements locatifs disponibles a baissé de plus de 50% en deux ans
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« Le marché du logement se dirige plein gaz vers un iceberg », selon Fredy Hasenmaile, économiste en chef de Raiffeisen Suisse dans son étude trimestrielle du marché immobilier. Selon l’analyse, les chiffres sont pourtant limpides: le nombre de logements locatifs disponibles a baissé de plus de 50% en deux ans, les signes de pénurie ne peuvent donc plus être ignorés. La Suisse étant composée à 61% de ménages locataires (78% à Genève) et la construction de biens n’émettant aucun signe d’allégement, «une aggravation de la crise aux cours des deux à trois prochaines années est annoncée».

Une triple peine prévisible

Où va-t-on construire à l'avenir?diaporama
Où va-t-on construire à l'avenir?

Le fait est, selon la Raiffeisen Economic Research, que trois phénomènes préoccupants sont aujourd’hui sous-estimés. Le premier étant la rapidité inédite avec laquelle le marché du logement suisse a basculé d’une offre excessive vers l’extrême inverse. Deuxièmement, l’absence de réaction du côté de l’offre «alors que l’on sait depuis longtemps que le recul de la production est déconnecté de la demande», d’après Fredy Hasenmaile. Enfin, la secousse qui frappe le secteur de la construction, liée à des problèmes structurels, n’a qu’une seule solution envisageable dont l’issue prendra des décennies à être mise en œuvre.

Ainsi, ce qui devait arriver, arriva. Désormais, face au manque d’offre et à une forte hausse des prix, les ménages commencent à restreindre leur consommation de surfaces. En découle dès lors une perte de bien-être «qu’une planification prévoyante aurait pu éviter», selon l’expert. Une perte de bien-être qui apporte son lot de désagréments: notamment une recherche laborieuse et frustrante de logement, des dépassements au niveau du budget, des concessions faites sur la qualité de l’emplacement et la densité d’occupation. Ce qui enraye par ailleurs la mégatendance de l’individualisation des ménages qui touchait jusqu’alors le pays.

«Aussi longtemps qu’il manquera entre 10’000 et 15’000 logements par année, la situation va s’aggraver», peut-on lire dans l’étude. En 2023, le taux de vacance national qui a reculé de 1,31% à 1,15%, se situerait à présent en dessous de la valeur moyenne des 25 dernières années. Or, comme aucune impulsion du côté de l’offre ne se dessine dans un futur proche (le nombre de permis de construire stagne à un niveau très faible), il faut donc s’attendre en Suisse «non pas à se retrouver sans toit, mais bientôt à payer plus cher pour moins d’espace», selon le rapport.