Chronique chez soi

Travaux... vaches cochons

"C'est tout le temps en travaux". Vous entendez cette phrase sans arrêt dans toutes les villes du monde n’est-ce pas? Le problème, c’est que c’est vrai.

On referme, on réouvre, on referme, on réouvre, et c'est à ce moment-là que l'on découvre que ce serait bien de faire une piste cyclable, aaargh!
On referme, on réouvre, on referme, on réouvre, et c'est à ce moment-là que l'on découvre que ce serait bien de faire une piste cyclable, aaargh!
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Devant chez moi, mais genre vraiment devant la porte, il y en a pour environ 2 ans de travaux. Inutile de dire que le coup des 2 ans, c’est une blague, parce que les municipalités font comme les parents qui ont des enfants petits à l’arrière de la voiture pour un long voyage : à la question récurrente «on arrive quand?», ils répondent «bientôt mon coeur», alors qu’ils savent qu’il y en a encore pour des méga-plombes. Je peux témoigner, je devais emménager dans un appartement neuf en septembre 2019 et j’y suis entrée en août 2020. Durant cette période, je payais donc le loyer hyper cher de l’ancien appartement, l’hypothèque du nouveau qui avait commencé à courir, et une chambre pour ma fille qui faisait un échange Erasmus à Münich et qui a fini par le faire en visio depuis sa chambre à Genève à cause du Covid. La moitié de mon salaire pour trois logements, alors que nous étions tous confinés dans un seul. Et quand j’ai enfin pu donner mon congé, on m’a dit (au moment où c’était fait, sinon ce n’est pas marrant) oups, finalement les travaux vont prendre un peu plus de temps que prévu, alors on reporte encore de 3 mois. Je me suis vue avec mes enfants dans une tente sur la Plaine de Plainpalais, mais la régie a été cool (et les régies sont rarement cool, donc quand elles le sont il faut le dire) et a prolongé mon bail.

Je me souviens aussi que la petite rue où je vivais dans le quartier des Eaux-Vives a été éventrée un nombre considérable de fois, et chaque fois pendant des semaines. Lorsque nous demandions ce qui se passait, c’était soit la fibre optique, soit le gaz, soit le trottoir soit un autre truc. Pas moyen de grouper tout ça? De fourrer sous le bitume tout ce qu’il faut et d’être bon pour 10 ans? Ben non, manifestement. On referme, on réouvre, on referme, on réouvre, et c’est à ce moment-là que l’on découvre que ce serait bien de faire une piste cyclable, aaargh! Ça fait du bruit, ça bouchonne, ça pollue et... ça donne du boulot. «Quand le bâtiment va, tout va» dit-on. L’expression date du 19e siècle, aujourd’hui, au 21e, à l’heure où la maison brûle, ce serait peut-être pas mal de commencer à chercher un autre ressort de prospérité économique. Ma mère, qui était ingénieure en génie civil, râlait sur à peu près tout, mais jamais sur les travaux parce que tu comprends «ça donne du travail à la branche». Le doux ronron du marteau-piqueur la rassurait sur la croissance et sur son avenir. Moi je vais vous dire, parfois, j’en viens à me demander si on ne fait pas des trous juste pour ça en fait, pour que le bâtiment aille. Résultat: nous vivons dans des villes où se déplacer relève du gymkhana permanent, arriver au boulot, c’est Pékin Express. Et arriver à la gare, c’est Koh Lanta. Je vous cite le communiqué: «Dès le 15 juillet 2024 durant une année environ, la circulation sera perturbée dans ce secteur, ce qui pourra donner lieu à des ralentissements. À partir de début août 2024, cette rue et ce carrefour seront fermés à la circulation automobile». Des ralentissements haha...pardon c’est nerveux. Alors bon, on ne demande pas que ce soit comme en Chine où ils construisent un hôpital en deux jours (ça ne doit pas trop respecter la CCT, ça) mais enfin un petit coup d’accélérateur serait pas mal, histoire de ne pas trop conforter notre réputation de lenteur, et surtout de faire moins schmire les gens.

Bon, je reviens égoïstement devant chez moi, les rues sont déviées, les trans ports publics également, l’arrêt de bus n’existe plus et sera supprimé et je ne doute pas que ce sera super à la fin, avec revêtement phono-absorbant, îlots arborisés, piste cyclable, bus électriques. J’espère juste voir ça de mon vivant. En Angleterre et aux Etats-Unis, je rigolais quand je voyais des travaux sur les routes (il y en a autant qu’ici, je vous rassure) car ils mettent partout des panneaux «your taxes at work» autrement dit «vos impôts au travail». Au moins, il y a une tentative d’inclure les citoyens dans le processus. Chez nous c’est plutôt: débrouillez-vous, vous dansiez, eh bien chantier maintenant!