Littérature

Sion, une histoire en capitale

Un ouvrage vient d’être publié afin de présenter toute l’histoire de Sion, de la préhistoire à l’histoire contemporaine, en passant par l’époque romaine, le Moyen Âge ou encore l’Ancien Régime. Notre synthèse.

Vue de Sion publiée dès 1641. On y observe encore la ville médiévale enserrée dans son enceinte construite vers 1300
Vue de Sion publiée dès 1641. On y observe encore la ville médiévale enserrée dans son enceinte construite vers 1300 - Copyright (c) Johann Angelius von Werdenhagen, Hans Ludolff [del.]. MHV, photo Michel Martinez
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L’ouvrage qui vient de sortir a été publié par la Société d’histoire duValais romand, en collaboration avec la Ville de Sion et la Bourgeoisie de Sion. Il représente la somme de deux années de travaux et le concours de nombreuses personnes. Ce livre, de 252 pages richement illustrées, s’appuie sur l’état des connaissances actuelles pour retracer le développement de Sion, des premières traces humaines jusqu’à aujourd’hui.

De l’origine des collines

Ensemble de statuettes en terre cuite de l'Allier (F) déposé dans un coffre en bois, dans un sépulture de la nécropole du "Rocher", IIème siècle après JC.diaporama
Ensemble de statuettes en terre cuite de l'Allier (F) déposé dans un coffre en bois, dans un sépulture de la nécropole du "Rocher", IIème siècle après JC.

Comme l’écrit François Mariéthoz, anthropologue et archéologue cantonal adjoint, «les plus anciennes traces de la présence humaine en Valais remontent à un peu plus de 30'000 ans. Des chasseurs néandertaliens de la fin du Paléolithique moyen y ont abandonné quelques outils en pierre taillée mêlés à des restes de faune.» Quant à l’origine des collines qui caractérisent le paysage sédunois, ce sont les roches les plus tenaces ayant résisté à l’érosion glaciaire. A Sion même, la plus ancienne présence humaine connue à ce jour remonte autour de 5800 av. J.-C. Ceci grâce à la fouille menée lors de la construction du silo à livres de la Mé- diathèque en 2007. A propos des fouilles archéologiques préhistoriques, relevons que celles-ci n’ont réellement débuté qu’à partir de 1952. «De nombreux sites ont été fouillés dès ce moment et de nouvelles découvertes y sont encore faites presque chaque année». Plus de quarante lieux de découvertes du Néolithique moyen sont répertoriés sur le territoire de la commune de Sion.

Saviez-vous, par exemple, qu’un groupe de treize menhirs, dont neuf encore debout, avait été mis au jour en 1964? Le plus grand atteint même 4 mètres de hauteur, ceci au chemin des Collines. Au nord de la ville, c'est lors des chantiers de l’avenue Ritz 21 et 33 qu’une nécropole de quinze tombes du milieu du Ve millénaire a été découverte. Comme l’explique François Mariéthoz, «si les vestiges du Néolitique moyen sont nombreux à Sion, c’est probablement grâce à une période climatique favorable et de faible activité du cône alluvial».

Mais le site le plus renommé est sans conteste la nécropole dolménique du site du Petit-Chasseur avec ses remarquables stèles gravées. Enfin, relevons que le mobilier déposé dans les sépultures est essentiellement composé d’éléments de parure en coquillage et de gobelets en céramique décorée. Sans oublier les anneaux dits «à têtes de serpent», caractéristiques de la communauté sédune du dernier siècle avant notre ère.

L’intégration dans l’empire romain

Dessin aquarellé sur papier, offert aux autorités sédunoises par le Père Lorenzo Ricci, supérieur général de l'Ordre des jésuites, vers 1760diaporama
Dessin aquarellé sur papier, offert aux autorités sédunoises par le Père Lorenzo Ricci, supérieur général de l'Ordre des jésuites, vers 1760

Au chapitre suivant, les archéologues Olivier Paccolat et Ludovic Bender, reviennent sur l’histoire de la cité à l’époque romaine et au haut Moyen Âge. «Le nom du peuple des Sédunes entre dans l’histoire lors d’un épisode célèbre de la guerre des Gaules écrit par le général romain Jules César: la bataille d’Octodure en 57 av. J.-C. Malgré une volonté farouche, le sort de la bataille n’est pas favorable aux autochtones. Selon César, plus de 10'000 Valaisans auraient alors péri.» Rappelons qu’à l’époque, quatre peuples gaulois se partageaient le Valais: les Nantuates dans le Chablais, les Véragres autour de Martigny, les Sédunes dans le Valais central et les Ubères dans le Haut-Valais.

Quand bien même le développement urbain de Sion à l’époque romaine reste peu documenté, des fouilles ont permis de mettre à jour des thermes monumentaux sous l’église Saint-Théodule. Les archéologues émettent l’hypothèse que l’esplanade de la cathédrale pourrait avoir accueilli un forum jouxtant les thermes. Cela étant, ces derniers seront abandonnés sans doute du fait à la fois de la diminution des finances publiques et du développement du christianisme.

La nécropole située au nord de la colline de Tourbillon témoigne aussi de la richesse de Sion à cette époque. En effet, dans certains des bûchers funéraires, les archéologues ont mis à jour des statuettes en terre cuite placées dans un petit coffre. A cette époque, plusieurs domaines de riches propriétaires terriens se construisent autour de la ville, notamment à Ardon, Plan-Conthey, voire Bramois. «Epargné par les incursions alamanes de la fin du IIIe siècle qui ravagent le Plateau suisse, le Valais devient un lieu de refuge pour les personnes fortunées, les commerçants, les notables ou les politiciens», expliquent les deux auteurs. Détail intéressant, dans un des tombeaux en question, on a trouvé le squelette d’un homme encore vêtu de son habit d’apparat «en fil de soie provenant de Chine».

Au Moyen Âge

Démolition des remparts, 1838diaporama
Démolition des remparts, 1838

Le directeur du Musée d’histoire du Valais, Patrick Elsig, et l’archiviste de la Bourgeoisie de Sion, Anne Andenmatten, s’intéressent ensuite à Sion au Moyen Âge. Rappelons-nous que la plupart des villages autour de Sion remontent au XIe siècle. Malheureusement, il ne reste que peu de traces de l’habitat des Sédunois du fait que leurs maisons étaient généralement en bois. «Les plus anciennes constructions en pierre que l’on a pu dater, notamment dans le bourg de Valère, remontent aux environs de l’an 1200». C’est vers 1300 que l’évêque Boniface de Challant marque le territoire de son empreinte en décidant de construire sur la colline de Tourbillon un château exclusivement pour lui et ses successeurs.

L’extension de Sion subit un sérieux coup de frein au XIVe siècle, avec les conflits qui se poursuivent contre la Savoie. La ville sera pillée en novembre 1352. Sans oublier les vagues successives d’épidémies de peste. «On estime que celle de 1349 fauche un bon quart de la population sédunoise. Dès lors, la surface protégée par l’enceinte récemment élevée suffit.»

Sous l’Ancien Régime

Sion et la vallée du Rhône, vers 1900diaporama
Sion et la vallée du Rhône, vers 1900

Les mêmes auteurs poursuivent ensuite par un chapitre consacré à la période de l’Ancien Régime. «Dans la seconde moitié du XVIe siècle, Sion penche du côté de la Réforme et endosse même le rôle de meneur avec Loèche (...). Le séjour sédunois du prédicateur néerlandais Louis Cailletan donne une impulsion aux idées de la Réforme. La plupart des bourgeois réputés qui interviennent en faveur du prédicateur se décident, après son départ, à adopter la foi réformée». Par la suite, le conflit va se durcir et contraindre les plus fervents réformés à quitter le canton, tandis que la plupart vont préférer renoncer à leur religion plutôt qu’à leurs fonctions.

Des inondations répétées

De cette époque datent les améliorations de la rue du Grand-Pont. La Sionne coule alors à ciel ouvert sur la partie nord de la rue et des maisons la couvrent sur presque tout le reste de son parcours. Pour parer aux débordements périodiques de la rivière, les édiles décident d’interdire toute construction sur le cours d’eau.

«La petite place située au débouché de la rue des Châteaux est agrandie et la Bourgeoisie sédunoise profite de cette position centrale pour y bâtir l’Hôtel de Ville (1657-1665).» A la suite d’une nouvelle inondation désastreuse, en 1740, la Ville procède au rachat et à la démolition de certaines maisons encore existantes sur la Sionne. A cette époque la cité a gardé des aspects villageois, avec moult granges et pressoirs, sans oublier les tanneries.

«L’enrichissement des propriétaires fonciers sédunois permet peu à peu certains regroupements de parcelles et la reconstruction de maisons d’une plus grande largeur sur rue». Outre le pavage des rues, l’embellissement de Sion passe par la création de différentes fontaines.

Une petite douzaine de familles

Le quartier sous-gare, 2023diaporama
Le quartier sous-gare, 2023

Comme le relève Anne Andenmatten, «une petite douzaine de familles constitue la moitié des bourgeois; parmi elles, huit sont attestées avant 1527-1528. Elles sont souvent d’origine haut-valaisanne, à l’exemple des Riedmatten, Kalbermatten, Kuntschen, Courten et Blatter.» «Les années suivant les épidémies de peste (1616, 1628-1629 et 1638-1639) conduisent à l’extinction de nombreuses familles et sont donc propices aux nouvelles admissions d’habitants perpétuels.» Sion va bénéficier des apports d’Italiens du val d’Ossola et de la Valsesia, tels les Bonvin et les Calpini.

Lorsque survient le fameux incendie du 24 mai 1788, un tiers de la ville part en fumée. Si aucune victime n’est à déplorer, 126 maisons d’habitation et une centaine de bâtiments ruraux sont réduits en cendres. Cette catastrophe va permettre de renouveler l’architecture de la ville, mais elle coïncide aussi avec la fin de la République des Sept Dizains.

Depuis la Révolution

C’est à Jean-Henry Papilloud, historien et président de la Société d’histoire du Valais romand, que revient ensuite la tâche de décrire la période plus contemporaine. Selon le premier recensement de 1798, Sion est une agglomération de 1987 habitants qui vivent dans 255 maisons. «Le choc de la Révolution française atteint la ville de Sion de plein fouet. La Bourgeoisie doit tirer un trait sur les importants capitaux placés en France et qui représentent une bonne partie de sa fortune et de ses revenus.»

Après la laborieuse mise en place d’institutions démocratiques, les habitants de Sion aspirent à plus de sérénité. Signe d’un grand renouvellement, la moitié des habitants n’est pas née dans la commune.

Inspirée par les réussites de Fribourg notamment, l’idée surgit d’introduire en Valais l’industrie du tressage de la paille. Mais cela n’aboutira à rien, tout comme celle d’implanter l’industrie horlogère. Si l’arrivée du train n’a pas accéléré le développement du secteur secondaire et tertiaire, cela a néanmoins permis de lancer le tourisme. En parallèle, Sion va décider d’éclairer ses rues.

Puis, avec la pression démographique, les autorités vont investir massivement (création d’un réseau d’eau, d'éclairage public électrique et des Services industriels) et établir un plan d’extension de la ville. «L’idée est d’empêcher un développement anarchique et de contraindre les propriétaires à construire en s’inscrivant dans un ensemble». Ce plan sera validé par le Conseil d’Etat le 17 juillet 1901.

Soucis de sauvegarde

Enfin, il faut savoir que c’est en 1943 qu’une Commission de la vieille ville est créée. Elle a pour mission de veiller «à la conservation, à l’entretien, à la mise en valeur des places, rues, bâtiments, sculptures, peintures et autres objets constituant les richesses artistiques du vieux Sion». Impossible d’être exhaustif, ce riche ouvrage se termine même par un chapitre consacré au futur: «A quoi ressemblera le Sion de demain?», rédigé par Grégoire Baur, journaliste correspondant du Temps en Valais. A lire sans limite.

SION, une histoire en capitale; volume 2024 des Annales valaisannes;

Société d’histoire du Valais romand. 250 pages.