Art

Simon Berger, l'artiste qui brise le verre en beauté

L'artiste bernois a développé une technique unique: celle de frapper, briser et éclater du verre pour donner vie à des visages stupéfiants de réalisme.

Simon Berger manie le marteau pour créer des visages dans les craquements de verre, avec jusqu'à 4000 tapes pour un portrait figuratif.
Simon Berger manie le marteau pour créer des visages dans les craquements de verre, avec jusqu'à 4000 tapes pour un portrait figuratif.
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Le marteau n’est pas un outil destructeur chez Simon Berger, mais bien un outil amplificateur du beau et de l’émotion. L’artiste, pionnier de cette technique qu’il a mise en œuvre il y a environ sept ans dans son atelier de Niederönz à Berne, connaît un succès grandissant à travers le monde. Après avoir sculpté le portrait de Kamala Harris en février 2021, ensuite celui des victimes de l’explosion du port de Beyrouth en août 2021, Simon Berger a été mandaté par la maison de haute joaillerie Bulgari pour customiser les vitrines de son nouveau flagship de Zurich. En 2022, il exposera un peu partout dans le monde sous la houlette de son galeriste suisse Laurent Marthaler. Interview.

Simon Berger, comment vous définissez-vous ?

Je suis un créateur autodidacte... Je crée de la beauté à travers la destruction.

Comment passe-t-on de menuisier à artiste contemporain ?

Simon Berger, l'artiste bernois qui brise le verrediaporama
Simon Berger, l'artiste bernois qui brise le verre

J’ai toujours aimé le métier de menuisier. Je l’ai pratiqué avec beaucoup de passion. C’est toutefois un travail frustrant, car nous avons très peu de reconnaissance de la clientèle. Il y a une vingtaine d’années, quand j’ai commencé à faire de l’art, j’ai reçu énormément de retours positifs et élogieux qui m’ont motivé à continuer.

Comment en êtes-vous arrivé à travailler le verre ?

J’ai commencé à faire des graffitis, des œuvres au spray, mais sans avoir le succès que j’espérais. J’ai fait une introspection. Et c’est là que j’ai eu l’idée de travailler avec le verre qui est devenu mon seul médium et celui sur lequel j’aime travailler.

Qu’est-ce qui a fait décoller votre carrière ?

J’ai commencé à travailler sur du verre à partir de 2016. Ma première exposition fut en 2019 lorsque j’ai eu l’occasion de réaliser une œuvre sur une vitrine qui a suscité beaucoup de réactions et de commentaires sur les réseaux sociaux. Cela m’a apporté une grande visibilité à travers le monde. Quelques mois plus tard, le Musée national de l’histoire des femmes à Washington me sollicitait pour faire le portrait de la première vice-présidente des Etats- Unis, Kamala Harris. Cela a fait décoller ma carrière avec des sollicitations provenantd’un peu partout.

Vous avez depuis des dizaines de milliers de followers sur les réseaux sociaux. Est-ce que c’est vous qui les gérez ?

Simon Berger a sculpté le portrait de la vice-présidente américaine Kamala Harris pour le musée de l'histoire des femmes à Washington.diaporama
Simon Berger a sculpté le portrait de la vice-présidente américaine Kamala Harris pour le musée de l'histoire des femmes à Washington.

Au début oui, mais aujourd’hui, j’ai quelqu’un qui s’en occupe.

Vous étiez à la Milan Design Week au mois de juin. Qu’est-ce que cela vous a apporté ?

J’ai rencontré beaucoup de professionnels qui ont été très enthousiastes. Cela a été très positif pour ma carrière.

Vous avez collaboré avec la maison de joaillerie Bulgari en personnalisant ses vitrines à Zurich avec des portraits de ses ambassadeurs. Pourquoi avoir accepté ce partenariat ?

Je n’ai pas réfléchi très longtemps. Il y a quatre ans, j’avais déjà sculpté un serpent sur la vitrine de la boutique Bulgari à la rue du Rhône à Genève. Avec la réouverture de son flagship en juin à Zurich, Bulgari m’a demandé de sculpter cinq des sept vitrines extérieures. Cela a créé le buzz car de nombreuses personnes ont cru que c’était du vandalisme.

Vous devenez de plus en plus célèbre. De quoi rêveriez-vous aujourd’hui ?

Comme tous les artistes, je rêve d’être exposé un jour dans un grand musée ou d’entrer chez un grand collectionneur comme Bernard Arnault ou François Pinault. Le graal serait de sculpter sur les vitres de la pyramide du Louvre. (Rires.)

Comment arriver à cet objectif ?

Il faut beaucoup travailler, être visible, choisir les bons canaux de communication. Ensuite, c’est une histoire de constellations. Comme tous succès, il faut être au bon endroit, au bon moment et rencontrer les bonnes personnes.

Travaillez-vous seul ?

J’ai un studio manager, deux assistants et des galeristes en Europe, aux USA et en Asie. Cependant, je réalise toutes mes œuvres moi-même. Souvent, ce sont des séries en bloc. Tout doit être parfait, avec parfois jusqu’à 4000 coups de marteau pour un portrait. Si un portrait ne me plaît pas, je le jette et recommence. Ce qui me met dans une pression permanente.

Après Kamala Harris, quelle personnalité rêveriez-vous encore de sculpter ?

L'artiste bernois a collaboré plusieurs fois avec Bulgari en "brisant" les vitrines des boutiques de Genève et Zürich.diaporama
L'artiste bernois a collaboré plusieurs fois avec Bulgari en "brisant" les vitrines des boutiques de Genève et Zürich.

Je n’aime pas vraiment faire des œuvres sur demande. Cependant, s’il s’agit d’une personnalité publique et que cela me permet de développer ma carrière, je le fais volontiers. Mais je ne cours pas après les stars.

Vous avez aussi sculpté une trentaine de victimes de l’explosion du port de Beyrouth ?

Oui, j’ai accepté ce projet car il était louable. J’ai été très ému de sculpter des visages de vie brisée et rencontrer les parents et amis des victimes. J’ai travaillé à l’aide de photos, comme je le fais habituellement, pour rendre hommage aux victimes et au peuple libanais.

Quel est le plus beau compliment que l’on vous a fait ?

A Venise, j’ai été exposé à côté de très grands artistes qui ont une très longue carrière et une renommée internationale. C’est le plus beau compliment que l’on puisse me faire: être reconnu par des personnes qui ont une légitimité dans l’art.

Vous habitez toujours à Niederönz dans le canton de Berne. Pourriez- vous déménager un jour dans une grande capitale ?

J’adore le canton de Berne, c’est ma maison. Mais il est vrai que j’ai commencé à réfléchir sur le fait qu’il faudra peut-être que je déménage un jour pour des raisons stratégiques.

Quand on confond au premier abord votre travail avec du vandalisme, quel effet cela vous fait-il ?

J’aime susciter des réactions, provoquer des conversations. Que les gens pensent que c’est du vandalisme avant de se rendre compte que c’est une œuvre d’art m’amuse. L’important est de susciter des réactions.

Que peut-on vous souhaitez pour la suite de votre carrière ?

D’arriver là où j’aurais l’impression d’avoir ma place.

Les œuvres de Simon Berger sont disponibles à la galerie Laurent Marthaler Contemporary à Montreux et Zürich. Simon Berger est aussi exposé dans plusieurs musées en Suisse, aux Etats-Unis et au Liban. A partir de septembre, il exposera à Bangkok, Zürich et Bâle.