Rénover: le pari d'oser
Surcoût financier, temporalité rallongée, contraintes techniques et historiques... La régie genevoise Pilet & Renaud a décidé d’aller de l’avant malgré ces nombreux freins pour rendre un de ses vieux immeubles exemplaire au niveau énergétique.
Telle une épée de Damoclès qui campe au-dessus du parc immobilier genevois, la nouvelle loi sur l’énergie attend les propriétaires au tournant. Avec l’objectif de doubler son taux de rénovation d’ici 2030, le canton espère ainsi mettre aux normes 80% de ses bâtiments. Et ce, bien qu’une bonne partie d’entre eux soit répertoriée au Service des monuments et des sites (SMS), limitant drastiquement le champ des possibles lors de travaux...
Des contraintes qui effraient plus d’un chef de projet habituellement mais pas le service «Rénovation durable» de la régie genevoise Pilet & Renaud qui, devant l’ampleur des efforts à fournir pour assainir énergétiquement un de ses immeubles rue du Vuache a choisi de faire front. Mieux encore: de pousser le curseur encore plus loin en visant la labellisation HPE (haute performance énergétique).
Un pas après l’autre
Un sacré défi à relever pour l’équipe car «il y a un peu plus de deux ans, nous avons demandé une autorisation préalable pour cet immeuble et, comme prévu, tous les voyants étaient au rouge mais nous n’avons pas voulu baisser les bras pour autant. Nous avons travaillé quelques éléments avant de redéposer une demande d’autorisation et, ce coup-ci, l’Office des autorisations de construire a trouvé notre démarche intéressante», témoigne Bruno Frisa, architecte chez Pilet & Renaud. Pour une fois qu’un immeuble du centre-ville à caractère patrimonial prenait le soin d’entamer une rénovation totale, le projet a dès lors été validé «sous contrôle du SMS». Les choses sérieuses ont donc pu commencer pour cet immeuble des années 30, comptant sept étages et près de 30 appartements, conçu à l’époque par un certain Julien Flegenheimer. «Il n’était pas concevable d’appliquer des solutions toutes faites avec ce bâti. Il a fallu effectuer un travail plus fin et trouver des alternatives propres à chaque intervention pour viser la labellisation HPE», souligne Alain Boccato, ingénieur thermicien chez Planair, partie-prenante du projet. À l’image de l’isolation des façades qui a imposé un traitement différencié selon que l’on se trouvait du côté rue ou du côté cour. Le crépi traditionnel étant adapté pour l’un et l’aérogel pour l’autre.
«Avec la couche d’isolant de 22 centimètres, nous avons également dû recréer la façade à l’extérieur pour que le visuel des corniches et les détails des bords de fenêtres ne changent pas», décrit l’architecte Bruno Frisa. Une minutie et une adaptabilité nécessaires que l’on retrouve jusque sur la toiture qu’il a fallu globalement repenser. Notamment pour y installer quatre pompes à chaleur en cascade (afin de remplacer une chaudière à gaz de 120 kWh). «À nouveau, cette étape a été complexe car il y avait l’acoustique, le poids et l’encombrement du toit à gérer», ajoute Alain Boccato. Un système décarboné pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire qui s’est vu renforcé ensuite par la pose de panneaux thermiques et photovoltaïques bifaciaux. Autre point non négligeable et pourtant souvent oublié lors de rénovations: la ventilation, hygroréglable en l’occurrence, a été retenue pour que la température et la qualité de l’air s’ajustent en fonction du nombre de personnes présentes ou de l’humidité qu’elles dégagent.
Commencer par ouvrir la voie
Un travail de longue haleine qui se poursuivra jusqu’en septembre 2025, date prévue de fin du chantier. «Nous sommes à bout touchant dans le processus et la semaine dernière, le SMS nous annonçait que notre projet servirait de référence en cas de travaux similaires. C’est une belle reconnaissance qui sera couplée à la labellisation future et à notre indice de dépense de chaleur qui va être divisé par deux», affirme Bruno Frisa. Deux ans de recherche et un nombre incalculable de changements de plans plus tard... la rénovation exemplaire de cet immeuble est finalement sur de bons rails et risque d’en inspirer bien d’autres. Les freins qui poussaient à l’inaction étant levés petit à petit. «Par exemple, je suis architecte depuis près de 40 ans et, de mon temps, nous étions le chef d’orchestre d’un projet, celui qui savait tout et commandait tout le monde. Aujourd’hui, c’est terminé. Nous sommes un maillon de la chaîne (tout comme l’ingénieur thermicien) et nous devons trouver des solutions ensemble», poursuit Bruno Frisa. À cela s’ajoutent les subventions qui ont doublé et les innovations émergentes, ne donnant plus vraiment d’excuses aux acteurs pour hésiter. À travers ce cas pratique, Pilet & Renaud peut se targuer de donner de l’élan à ses confrères, ou du moins de donner quelques pistes à reproduire, et compte bel et bien continuer elle-même sur sa lancée. Prochain défi à l’agenda: revêtir un de ses biens d’une façade photovoltaïque.
Pour en savoir plus, veuillez contacter renovation@pilet-renaud.ch