Nouveau quartier, le défi de l'intégration
Construire sans cannibaliser n’est pas une mince affaire. Exemple avec le projet des Portes du Lac dont un troisième secteur vient d’être livré tout en respectant la cité médiévale environnante.
Galopante, la démographie du pays met sous pression les villes helvétiques. Dans le peloton de tête: la population d’Estavayer-le-Lac (FR) qui dénombre déjà 6000 habitants au compteur et devrait atteindre la barre symbolique des 10’000 staviacois d’ici 2035. «Pour y faire face, il a fallu planifier la construction de nouveaux quartiers d’une certaine ampleur. C’est pourquoi, nous avons travaillé dès 2011 avec la société Gefiswiss sur le projet des Portes du Lac», décrit son syndic, Éric Chassot.
Compléter le tissu urbain existant
Situé en bordure du centre médiéval d’Estavayer, ce quartier aux dimensions impressionnantes représente une surface de développement de dix hectares environ, le tout découpé en huit secteurs de logements et d’activités de proximité. Avec une livraison échelonnée sur vingt ans, les Portes du Lac prévoient à terme d'accueillir 1500 à 1800 résidents, dont les premiers ont déjà pris possession des lieux dans les secteurs C1 et C2, entre 2018 et 2020 (185 logements).
«Il était important que ce futur mégaquartier soit construit de manière intelligente, en interaction avec la ville. La première étape a donc été de créer un parc de 18’000 m2 qui lie la population arrivante à celle d’Estavayer», souligne le syndic de la commune. L’architecture des Portes du Lac, pensée par le bureau Architram, fait elle aussi le pont entre les deux quartiers, proposant une transition en douceur. L’architecte Vincent Mavilia s’explique: «Au fur et à mesure que l’on s’éloigne du lac, nos immeubles prennent de la hauteur, un changement d’échelle s’opère. Nous n’avons pas simplement posé des tours sur un terrain mais nous avons souhaité un quartier à taille humaine, où les plus grands édifices seront placés au fond et où chaque îlot dispose de sa propre place publique de rencontre.»
Une pièce de plus s’est ajoutée
Le secteur C3, inauguré le 26 septembre dernier, en est d’ailleurs le parfait exemple. Véritable centre de gravité de l’ensemble du projet, cette place regroupe notamment tous les commerces de proximité (un cabinet dentaire, une crèche-garderie, un cabinet de physiothérapie, une épicerie de produits locaux ouverte 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, rejoints prochainement par un espace de coworking et un restaurant). Des activités choisies pour ne pas rentrer en concurrence avec celles de la ville mais au contraire pour les compléter. Une salle communautaire de 100 m2 vient également d’être mise à disposition des habitants, tout comme des potagers collectifs et 95 nouveaux logements dont 17 sont totalement adaptés sur-mesure pour des seniors.
Une dimension sociale à laquelle les promoteurs tenaient, surtout dans un quartier de cette taille, et qui s’accompagne d’une attention particulière portée aux enjeux environnementaux. «Quand nous nous sommes retrouvés face à la feuille de papier et qu’il fallait imaginer un quartier durable, avec toute la complexité que cela implique, rien n’a été facile», indique Boris Clivaz, CEO de Gefiswiss. Mais le défi a été relevé haut la main puisque ce secteur C3 se compose de bâtiments dépensant moins de 1 kilo de CO2 par m2 contre les 35 de la moyenne suisse.
Pour arriver à un tel résultat, le concept développé par la société STEEN a entre autres été installé pour la production de chaleur/fraîcheur des bâtiments, des panneaux photovoltaïques fourniront l’électricité, les entreprises régionales ont été privilégiées pour l'attribution des travaux, un système de monitoring des consommations individuelles d’énergie a été disposé dans chaque logement et un maximum de surfaces ont été laissées en pleine terre pour favoriser la gestion des eaux de pluie.
La remise en question perpétuelle
Des efforts qui ne représentent que le début d’une longue série d’améliorations portées au quartier confirme le concepteur, Vincent Mavilia: «Nous tirons des expériences de chaque îlot, à l’image d’une planche d’essai, nous cherchons à aller toujours plus loin. Comme par exemple avec la construction mixte bois-béton que nous allons intégrer davantage dans les secteurs C5 et C6.»
Pour l’heure, dans ce quartier encore en devenir, le secteur C4 est en cours de réalisation. 130 logements devraient ainsi être livrés en octobre 2024. S’ensuivront les C5 et C6 (une centaine de logements), actuellement mis à l’enquête, et finalement, les C7 et C8 viendront fermer la marche avec environ 110 logements dont les contours restent encore à définir. Bien qu’aujourd’hui quelques voix s’élèvent au sein de la population d’Estavayer à l’encontre de ce dessein, le projet avance malgré tout à son rythme, guettant la moindre synergie à développer avec le reste de la ville. Puisque, croissance démographique oblige, ce territoire partagé est en train de redessiner peu à peu les contours de la commune d’Estavayer. Du moins, celle de demain... à suivre.