Merlinge: le Domaine d'une reine
Avec ses 47 hectares, c’est l’une des plus vastes propriétés de Genève à la vente. Son histoire commence à la fin du Moyen Âge, mais c’est lorsque la dernière reine consort d’Italie, Marie-José, s’y est retirée, qu’elle a connu son apogée.
Avec ses 4 hectares de vignes, le Domaine de Merlinge en impose dans la région de Meinier, sur la rive gauche genevoise. C’est dans ce coin discret, moins «ostentatoire» que la colline de Cologny, qu’a vécu la dernière reine consort d’Italie, Marie-José, fille du roi des Belges, Albert 1er. L’actuel propriétaire a acquis ce domaine de son fils, feu Victor-Emmanuel de Savoie (1937-2024), en 2004.
L’origine de ce domaine remonterait à la fin du Moyen Age. Ancienne terre de Saint-Victor acquise par Janin de la Mare, Merlinge fut au milieu du XVIe siècle l’un des rendez-vous préférés des «Perrinistes», qui y menaient joyeuse vie et se plaisaient à narguer le Consistoire. Échu à Jacques de Loys, le domaine resta plus de deux siècles dans cette famille, avec laquelle le Conseil eut aussi de vifs démêlés.
Composé de six bâtiments ruraux à l’origine, le domaine s’enrichit d’une maison forte au XVIe siècle, remplacée entre 1625 et 1645 par la maison actuelle, modernisée et ornée avec soin au XVIIIe siècle. Après la mort d’Antoine de Loys, baron de la Bâtie, et de son héritier, François Carron, Merlinge tomba progressivement à l’abandon, car seules les terres agricoles semblaient intéresser les nouveaux propriétaires.
Feu vert du Conseil fédéral
Le domaine est racheté et restauré au tout début du XXe siècle par le colonel divisionnaire Guillaume Favre, secondé par l’architecte Maurice Turrettini. Ensemble, ils ont su restaurer les belles proportions de cette maison (trois généreux plateaux de 500 m2): un toit majestueux, le haut perron à double rampe, une grande salle à trois portes vitrées donnant sur les jardins et au plafond sculpté, une vaste cuisine aux poutrelles apparentes. Le jardin à la française a été ressuscité et la petite chapelle, naguère dépôt de légumes, a reçu elle aussi les soins qu’elle méritait.
C’est ainsi que l’on pouvait lire dans le Journal de Genève du 20 février 1947: «L’ex-reine d’Italie Marie-José, qui en avait fait la demande au Conseil fédéral en novembre, a reçu l’autorisation de séjourner en Suisse avec ses quatre enfants mineurs. Le jour de son arrivée ne saurait tarder, les démarches pour l’achat d’une propriété à Jussy, qui appartenait naguère au colonel-divisionnaire Favre, ayant abouti. Marie-José a dû s’engager à s’abstenir de toute activité politique et à donner la garantie que nulle personne de sa suite n’interviendrait depuis la Suisse en faveur d’une restauration monarchique ou développerait une activité quelconque dans ce sens. L’ex-roi Umberto n’obtiendra pas d’autorisation de venir en Suisse, même pour un séjour passager. Précisons que la propriété achetée par l’ex-reine Marie-José se trouve sur le territoire de la commune de Meinier». Elle venait de se séparer du roi.
Avant cela, elle avait régné au côté de son mari pendant 24 jours, avant l’abolition de la monarchie en 1946, ce qui lui vaudra le surnom de Reine de Mai. Belle et intelligente, Marie-José ne se sera jamais laissée intimidée par Benito Mussolini, le dictateur fasciste. Ainsi, elle décide de ne pas signer sur le registre des mariages sous le nom aux sonorités italiennes de «Maria Giuseppina», comme le lui avait pourtant conseillé Mussolini, signant son sous propre nom.
Férue de musique
L’ex-souveraine d’Italie souhaitait trouver «le plus grand calme» dans notre pays, aussi s’est-elle toujours refusée à toute interview. Une petite exception à l’occasion de ses 80 ans lorsqu’elle reçut une journaliste du Journal de Genève. Il faut dire qu’elle venait de publier un livre sur le Duc de Savoie.
Marie-José de Saxe-Cobourg et Gotha (son nom de jeune fille), ayant grandi dans un environnement intellectuel, artistique et musical de haut niveau, avait étudié le piano et le violon avec, notamment, pour professeur le célèbre violoniste Eugène Ysaÿe. La fille du roi Albert et de la reine Elisabeth de Belgique a créé une fondation pour les musiciens talentueux et a lancé en 1955 les Concerts de Merlinge, entièrement dédiés à la musique contemporaine. Enfin, en 1959, elle fonda son propre concours, le Prix International de Composition Musical Reine Marie-José. Pas étonnant, dès lors, qu’elle se soit vue remettre le 14 décembre 1963 la Médaille d’or de l’Académie française lors d’une cérémonie à Merlinge.
Une communion dans la chapelle
En juillet 1986, des festivités furent organisées à l’occasion de ses 80 ans. À la grande table d’honneur entourant la Reine, se trouvent des Rois (notamment le Roi Michel de Roumanie et le Roi Siméon de Bulgarie), des Princes notamment ses neveux les Princes de Liège, Albert et Paola) et, évidemment, son fils le Prince Victor-Emmanuel de Savoie. Deux jours plus tard, la première communion de sa petite-fille Asae, fille de la Princesse Maria-Béatrice et de Luis Reyna, fut célébrée dans la petite chapelle du domaine.
Revenons maintenant sur le domaine lui-même, outre le bâtiment principal qui offre environ 1500 m2 habitables sur trois niveaux, une première annexe comprend des garages ainsi que deux appartements destinés au personnel de maison. La seconde annexe se compose, quant à elle, des écuries ainsi que d’un appartement de 4 pièces, au rez-de-chaussée. Deux autres appartements sont situés au 1er étage. Les annexes ont fait l’objet d’une rénovation récente et sont en parfait état. La deuxième parcelle concernée se compose notamment d’un manège, d’un grand hangar, d’une ferme ainsi que d’appartements, libres de tout occupant.
Pour plus d’informations sur ce domaine mis en vente, vous pouvez contacter Pilet & Renaud.