Agglomération

Logements: Fribourg change de cap

En tant que ville hôte, Fribourg a profité des «Journées suisses du logement» pour discuter de son développement. Pour l’heure majoritairement destiné aux jeunes, celui-ci va évoluer avec le vieillissement de la population.

Les journées suisses du logement ont lieu du 6 au 24 novembre 2024
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A quoi ressemblera le paysage immobilier dans 20 ans? On oppose souvent deux visions dans l’imaginaire collectif, l’une d’une densité extrême, où les immeubles entassent des habitants du rez jusqu’au ciel dans du béton et l’autre, plus axée sur la nature, où des espaces intergénérationnels se confondent dans des parcs de verdure à perte de vue.

Probablement que la réalité se situera à mi-chemin mais une chose est sûre, avec une moyenne de dix ans pour toute gestation de projet, il faut se décider aujourd’hui pour les transformations de demain. Et si la demande de logements a pour sa part déjà pris un virage décisif, s’orientant de plus en plus vers des lieux adaptés aux seniors (d’ici 2045, plus d’un quart de la population suisse aura atteint l’âge de la retraite et une personne sur dix aura plus de 80 ans), l’offre tarde quant à elle à répondre à ces nouveaux besoins... Cette situation de plus en plus tendue a donc occupé les discussions lors des désormais célèbres «Journées suisses du logement» se déroulant cette année à Fribourg, du 6 au 24 novembre.

Réussir à libérer l’espace

Une liste de défis autour de «l’habitat pour toutes les générations» a de ce fait été abordée par divers spécialistes du domaine le 7 novembre dernier. Parmi les nombreux enjeux évoqués, on retrouve notamment le manque de mobilité résidentielle des seniors. «Les aînés (qui vivent plus longtemps) restent dans le même appartement après le départ de leurs enfants, ne laissant pas la place aux familles suivantes. En l’occurrence, si l’offre immobilière augmentait, on pourrait désengorger la situation mais au contraire elle se raréfie», décrit Michel Fleury, analyste immobilier de la banque Raiffeisen Suisse. À savoir que les jeunes de 26 à 45 ans paient leur loyer 20% plus cher en moyenne que les personnes âgées du fait de leurs déménagements fréquents.

De ce blocage découle un autre phénomène préoccupant: celui du dilemme des FBBS (femmes baby-boomers seules). Une catégorie de la population qui croît grâce à l’espérance de vie plus importante des femmes mais qui finissent par occuper seules de grands appartements alors qu’il s’agit de personnes plus vulnérables socio-économiquement parlant (ont souvent moins de financement, se retrouvent proches-aidantes...). Ces FBBS font alors face à des loyers trop chers pour rester mais ne peuvent pas déménager à cause des prix du marché, eux aussi trop élevés. Il devient donc urgent d’augmenter l’offre. Mais pas n’importe comment car les experts sont unanimes: il faut de la q-u-a-l-i-t-é pour encourager les mobilités résidentielles.

Le cas du centre fribourgeois

Un manque de cohérence globale dans l’habitat qui touche particulièrement la ville de Fribourg (9 km2), devenue universitaire avec 15’000 étudiants sur un total de 40’000 habitants, impactant par effet ricochet son marché résidentiel. Aujourd’hui dotée avant tout de petites typologies à destination des jeunes, cette agglomération s’est ainsi peu à peu détournée des autres segments et délaisse depuis quelques décennies seniors et familles. La Ville de Fribourg a donc décidé de réagir en établissant une stratégie «Habitat 2040» de politique de l'habitat et du logement. «Pour cela, nous nous sommes basés sur cinq constats relatifs à notre parc immobilier. Tout d’abord sa typologie, puisque nous observons une pénurie de grands logements en ville. En effet, deux tiers de nos habitations sont actuellement composées de 1 à 3,5 pièces et seul un quart des 1500 logements en construction devrait disposer de plus de trois pièces», souligne Elias Moussa, conseiller communal de la Ville de Fribourg. Un manque qui redirige donc les populations aisées et les familles dans les communes avoisinantes. À cela s’ajoute la sous-occupation des biens, comme l’indique Elias Moussa: «deux tiers des seniors de la Ville de Fribourg vivent dans un logement de 2 pièces ou plus supérieur à la taille de leur ménage.» Côté répartition des profils d’habitants, comme toute agglomération, Fribourg est composée d’une mosaïque démographique. Cependant, quatre grandes typologies de quartiers se remarquent et font ressortir un certain déséquilibre. Ce qui nous mène au quatrième constat relevé: le manque d’attractivité ciblée de Fribourg. Car bien que les universitaires débarquent en nombre chaque année, la ville ne parvient pourtant pas à les retenir sur l’entièreté de leur «carrière résidentielle» (pour fonder leur famille, pour travailler puis à la retraite).

Attirer de nouveaux publics

La faute à un contexte inadapté selon Marie-Paule Thomas, directrice de recherche chez CBRE. «Aujourd’hui il faut faire rêver les gens, il faut offrir des logements de qualité, de la PPE, des 4 pièces, des matérialités en bois, etc. Et même si les prix sont abordables à Fribourg, le public cible n’est malheureusement pas attiré par ce qui est proposé pour le moment», décrypte-t-elle. Ce qui suppose également un centre-ville intéressant pour les actifs, afin de venir concurrencer les autres pôles comme Berne ou Lausanne. «Pour les retenir, il va falloir offrir un bon cadre de vie et devenir un centre d’emploi. Or, pour l’instant, Fribourg est moins développé sur le tertiaire alors que c’est exactement ce que recherchent les jeunes», complète Julien Thiney, responsable de Wüest Partner Genève. Fort heureusement, la ville dispose d’un grand potentiel foncier comme le confirme le rapport établi par les autorités. Contrairement à d’autres communes parfois coincées entre lac et montagnes, celle-ci a la possibilité de s’étendre et de se développer pour améliorer son attractivité. Selon les simulations prospectives, 15’000 à 20'000 logements pourraient encore être accueillis sur le territoire communal, soit 35’000 nouveaux habitants. Partant de ce diagnostic, une feuille de route est en train d’être réalisée en ce sens mais pour la mise en œuvre, il faudra encore se montrer patient car son application est agendée au plus tôt à 2026. À suivre.