Logements étudiants: le troc comme solution
À l’approche de la rentrée universitaire, trouver un toit lorsque l’on vient étudier dans la Cité de Calvin s’assimile à un parcours du combattant. Le programme «1h par m2» espère à terme soulager la tension qui règne sur ce marché de niche.
Fêtards, flemmards, contestataires et sans revenus... les étudiants sont souvent mal perçus par le reste de la population. À tort ou à raison, cette étiquette devient alors un réel handicap au moment de chercher un logement. Or, l’an dernier par exemple, 17’681 personnes étudiaient à l’Université de Genève (UNIGE), dont 21% provenaient d’autres cantons et 38% de l’étranger. Autrement dit: plus de la moitié des étudiants nécessitait un toit pour suivre son cursus.
Un total d’environ 10’000 estudiantins (sans compter les HES) répartis sur un marché immobilier déjà très concurrentiel pour la population, qui doit alors se disputer les 4000 lits pour étudiants proposés par le canton de Genève (850 à la Cité Universitaire, 180 à la résidence universitaire internationale, 104 au foyer Georges William, etc.). Une quête du Graal qui se perpétue à l’approche de chaque rentrée, plongeant ainsi certains jeunes dans une réelle précarité.
Petit projet mais grand impact
Partant de ce constat préoccupant, un programme novateur est né. Une solution gagnante/gagnante pour tous du doux nom de «1h par m2». L’idée étant qu’en échange de quelques heures de coup de main par mois, une chambre soit mise à disposition d’un étudiant. Ce concept, tout droit inspiré par l’Allemagne, a été initié en 2016 par Sabine Estier, une ex-journaliste ayant rassemblé divers partenaires tels que la fondation BNP Paribas, Pro Senectute ou encore l’UNIGE pour mettre en place ce dispositif d’un nouveau genre.
«Le but est de proposer une structure très petite et souple qui favorise le logement intergénérationnel tout en répondant à de multiples enjeux sociétaux», précise la responsable du programme, Virginie Keller. Entre autres: le soutien aux personnes âgées à domicile (pour retarder l’entrée en EMS), l’aide aux étudiants (financement et intégration) mais aussi la sous-occupation du bâti. «Puisque de peur de payer plus cher et d’avoir moins bien, les gens ne quittent pas leur maison/appartement, même lorsque les enfants ne sont plus dans le foyer familial, ce qui débouche sur une sous-utilisation de 35% des logements à Genève. C’est un potentiel extraordinaire pour notre programme», souligne Virginie Keller.
Plus concrètement, «1h par m2» joue les intermédiaires entre des propriétaires ou locataires qui ont une chambre de libre et des étudiants qui paieront 120 francs par mois (pour compenser les charges d’électricité, d’eau, d’internet...) et rendront service en aidant un peu au ménage, en tenant compagnie de temps en temps à leur colocataire ou tout simplement en scannant les factures d’un senior pour les proches qui ne sont pas sur place. «Contrairement à une annonce en ligne, nous rencontrons chaque personne plusieurs fois, nous formons les «duos» selon les affinités (un passionné de musique accueillera un étudiant du domaine ou quelqu’un d’origine italienne recevra un Tessinois). C’est un engagement de six mois renouvelables ou pas et nous avons des hôtes de secours en cas de désistement. Nous proposons des formations et un suivi psychologique en cas de besoin. En bref, c’est un vrai accompagnement personnalisé, gratuit et une garantie de sécurité pour les deux parties», décrit Virginie Keller.
Vers un soutien des régies
Un suivi avant, pendant et après la période d’accueil assorti par ailleurs d’un appui administratif comme l’assure la responsable: «Le séjour est chapeauté par une simple convention (qui ne fait pas office de contrat de bail) entre l’étudiant et l’hôte, ce qui reste très léger tout en étant rassurant car nous restons les garants du processus du début à la fin». Véritable porte d’entrée dans une certaine intimité, le partage de son logement pouvant en effet susciter des craintes légitimes, surtout chez les personnes âgées ou les familles monoparentales, «1h par m2» lève donc de nombreux freins (en opposition à certaines plateformes ou à de la sous-location).
Résultat: la demande est bien au rendez-vous mais l’offre se déploie encore lentement. «Nous aimerions dès cet automne appeler les régies à nous soutenir en encourageant notre programme car les locataires n’osent souvent pas demander ce genre d’exception à leur régie. Pourtant cet engagement se veut cadré sans être contraignant donc bénéfique à tous», conclut Virginie Keller. L’objectif à moyen terme étant de constituer 100 à 140 tandems par an (contre 60-70 actuellement), l’appel auprès des professionnels de l’immobilier est lancé.