Les mémoires d'un autre temps du fondateur de LEM
Avec ce récit autobiographique, Jean-Pierre Etter raconte son expérience d’un jeune homme issu d’un milieu modeste qui parviendra à fonder une société industrielle qui cartonne toujours à la bourse suisse.
« On me pardonnera, car au soir de ma vie, j’aurai un malin plaisir à partager mon vécu avec une jeune génération pour montrer que l’enfant à sa naissance n’avait et n’aura pas besoin d’une cuillère en argent pour réussir sa vie», écrit Jean-Pierre Etter, né en février 1935. Victime d’un accident de travail dans la petite usine de Jean Erismann (qui fabrique des bonbons à Carouge), son père devra rester hospitalisé jusqu’à sa mort en 1942. La mère de Jean-Pierre Etter se retrouve avec trois enfants en bas âge et doit trimer 48 heures par semaine dans une petite usine de tournage. La famille habite le quartier populaire du Bachet, au Grand-Lancy. «Je suis un élève moyen, je me contente en général du dernier ou de l’avant-dernier prix. Je préfère le sport, le foot, le basket», confie le cadet de la famille Etter. Diplôme d’ingénieur en poche, il part en 1954 à Baden (Argovie) pour parfaire ses connaissances linguistiques chez Brown Boveri. Il observe et constate que les petites machines de 1 à 5 CV qui servent à faire marcher les produits industriels ont des moteurs surdimensionnés. Quand il en fait la remarque à son chef, il se fait rabrouer. Après un an à Baden, il rentre à Genève.
Au Moyen-Orient pour Schlumberger
Son second job l’envoie tout d’abord en Egypte début 1957, soit juste après la nationalisation de la Compagnie du canal de Suez par Nasser, puis il enchaîne au Koweit. «Dans ce pays, j’ai appris la technologie, maintenant, mon chef américain me fait part des secrets de la vente: il ne faut pas attendre qu’un client rencontre un problème, il faut se mettre à la place du client pour comprendre ses besoins et lui offrir des solutions». Puis ce sera l’Arabie saoudite, le Bahreïn et le Qatar. Sa fiancée étant enceinte, ils se marient et partent vivre en Egypte. Mais lorsque sa femme attend leur deuxième enfant, décision est prise de rentrer en Suisse en 1962.
Avec son frère Marcel, ils décident de prendre leur indépendance en créant un bureau d’études. Le premier client qui leur fait confiance sera les Ateliers de Sécheron (aujourd’hui partie du groupe ABB), une société qui a participé à l’électrification du réseau des CFF. Même si les débuts sont ardus, les clients ne manquent pas: la SIP, Union Carbide, Sarcem. «Pourtant, pendant le temps des crises qui s’annonce quelques années plus tard, nous verrons que ces fleurons de l’industrie genevoise ne savent pas s’adapter aux mutations économiques. En 1968, Sécheron dénonce leur accord de collaboration, peu après cette société est rachetée par Brown Boveri.
L’aventure LEM
La société Liaisons Électroniques Mécaniques (LEM) est fondée le 25 février 1972. Assez rapidement, le succès arrive: 2400 capteurs de courant partent pour les métros de Marseille, Mexico City, Santiago de Chili. Cinq ans après son démarrage, LEM occupe 750 m2 près du Rondeau de Carouge. En 1985, une augmentation de capital est nécessaire, suivie par la cotation en bourse des actions en 1987. 70 personnes travaillent alors pour LEM. C’est alors que l’idée du futur Centre de technologies nouvelles prend forme. Un beau défi: créer un lieu de vie au lieu de se contenter de créer une nouvelle usine. Au printemps 1988, les deux premiers bâtiments de leur CTN accueillent leurs locataires. Il y aura en tout une surface brute de plancher de plus de 33'000 m2. C’est quelques années plus tard qu’il décide de créer ce qui va devenir la Fondation genevoise pour l’innovation technologique (Fongit), premier incubateur du pays. «Il est prévu que le revenu locatif d’environ 10 millions de francs couvrira les charges, un rendement de 5% pour les actionnaires et le financement des activités de la Fongit à hauteur de 650’000 francs».
Après les capteurs, la mobilité
En janvier 1994, Jean-Pierre Etter est nommé président du conseil d’administration des TPG. «Durant ma présidence, maintiens de bonnes relations avec les représentants du personnel». Il finira par jeter l’éponge, tout d’abord à cause des graves problèmes de santé de son épouse, mais aussi parce qu’il constate qu’aux TPG, «c’est la gabegie totale en ce qui concerne la propriété des biens.» Par la suite, ce qu’il a souhaité se réalise: l’Etat reste ou devient propriétaire des terrains à la Jonction et au Bachet et accorde un droit de superficie aux TPG.
Une fois à la retraite, Jean-Pierre Etter se retrouve seul à assumer ses responsabilités au sein du conseil d’administration de Gespac, créé en 1979 par trois anciens employés de Motorola. Devenu leader européen de l’électronique industrielle en environnement extrême, Gespac finit par faire faillite en 2004. «Nous découvrons plus tard qu’il y a des fausses factures pour 22 millions de francs, établies à la fin de l’année 2003 en espérant que l’année suivante, la situation se redressera...». Conseillé par son avocat, Jean-Pierre Etter décide de se séparer temporairement de nous arrivons à éviter les grèves, car je ses affaires le temps de prouver qu’il n’a jamaispris part aux décisions délictueuses.
Assumant sa responsabilité morale, il vaverser 300'000 francs de ses cotisationsAVS pour payer les charges sociales impayéesdes employés de Gespac et partirs’établir en République dominicaine.«L’exil – période imposée par mon imprudencede vouloir rendre service – est devenuune parenthèse heureuse dans mavie», écrit-il. Et de conclure: «A l’aube demes nonante ans, je jette un regard un peu surpris et plein de reconnaissance pour cette vie qui ne m’a pas permis dem’ennuyer un seul instant».