Les dix ans de son domaine périgourdin
Passionné de crus depuis toujours, le co-président de Chopard a acquis Monestier La Tour en 2012 où il produit désormais des vins en biodynamie.
C’est dans le Périgord que le co-président de Chopard a acquis, avec son épouse Christine Scheufele, un domaine viticole il y a tout juste dix ans. A l’inverse des hommes d’affaires qui misent depuis des décennies sur les grands châteaux bordelais, Karl Friedrich Scheufele a, lui, préféré cette région historique au large patrimoine culturel et archéologique. C’est, en effet, dans cette région, dénommée également Dordogne, que l’on peut visiter les grottes de Lascaux, de nombreux villages médiévaux, des ruines et des châteaux ou encore la charmante ville de Bergerac mise en lumière par un certain Cyrano. Mais la région commence aussi, petit à petit, à se faire connaître pour son terroir et ses vins – dont 25% sont cultivés en bio - qui sont restés pendant longtemps dans l’ombre de leur célèbre voisin, Bordeaux.
Ainsi, lorsque le couple Scheufele acquiert le domaine, il met immédiatement l’accent sur le travail du vignoble. Le passionné restructure le chai et crée des locaux techniques mieux adaptés à une vinification parcellaire. Rapidement, l’équipe mise en place choisit la méthode culturale en biodynamie en créant notamment une véritable « tisanerie » pour sécher et stocker leurs propres productions de plantes. L’idée des nouveaux propriétaires : « cultiver les vignes à la manière d’un jardin extraordinaire ». Interview.
Pourquoi avoir acheté ce domaine, ici, dans le Périgord , plutôt que dans des régions viticoles traditionnelles comme le Bordelais, la Bourgogne ou encore dans la vallée du Rhône ?
C’est vrai que c’est atypique. Je suis venu dans cette région il y a plus de 30 ans pour un mariage d’amis. Ça été un véritable coup de cœur. Nous avons tout de suite cherché une bâtisse pour y passer nos vacances en famille. Au fil du temps, s’est rajoutée l’idée de faire du vin, qui est une véritable passion. En effet, en parallèle de mes nombreuses activités dans l’horlogerie et la joaillerie avec la maison Chopard, j’ai investi dans le vin avec l’enseigne Caveau de Bacchus. Cependant, l’idée de faire moi-même du vin me titillait depuis longtemps.
Comment avez-vous trouvé ce château à Monestier ?
Nous avons visité de nombreuses propriétés. Souvent, le vignoble était intéressant, mais la bâtisse ne nous plaisait pas. Nous cherchions surtout de la tranquillité et un paysage intact. Un jour, un ami en Suisse nous a indiqué que l’une de ses connaissances hollandaises était vendeur de son domaine. Nous sommes venus visiter le Château et avons tout de suite été conquis par l’atmosphère qui règne ici.
Le vignoble n’était, quant à lui, pas de très bonne qualité ?
Oui, mais justement, nous nous sommes dit que nous ne pouvions que l’améliorer. Il y avait tout à faire. Nous n’achetions pas une « propriété trophée » où tout est acquis d’avance. Nous pouvions partir d’une page presque blanche.
Dix ans après votre acquisition, avec le recul, êtes-vous satisfait de la qualité de vos vins ?
Oui et je suis très fier qu’ils soient bientôt tous labellisés « biodynamiques ». Je n’avais pas l’intention de faire de la biodynamie au départ mais j’ai vite réalisé que c’était le futur, que nous ne pouvions pas nous passer de cette philosophie. D’autant plus que c’était facile de mettre cela en place ici car tout était à développer. Le risque était moins grand de réduire les rendements ici que dans une propriété très connue.
Est-ce qu’avoir Stéphane Derenencourt comme consultant est une garantie de produire du bon vin ?
Stéphane était déjà conseiller du domaine avant qu’on le rachète mais il ne travaillait pas en biodynamie. Nous avons débuté sans lui, puis il s’est organisé avec des collaborateurs qui connaissaient le sujet. Il a vite réalisé que cette démarche est nécessaire pour préserver la vigne et les terroirs.
Vous n’avez jamais voulu faire appel à un architecte star pour réaliser votre chai, comme cela se fait dans le Bordelais ?
Non, ici, nous sommes dans la simplicité. Nos bâtisses et notre chai se fondent dans la nature. Je pense que le Bordelais a même quelques soucis à se faire, car les propriétaires ont eu la folie des grandeurs, ce qui a entraîné une explosion des coûts. Leurs vins sont aujourd’hui beaucoup trop chers. Les consommateurs réalisent qu’il existe de très bons vins ailleurs qui sont beaucoup plus abordables. Ces derniers cherchent aussi des vins moins boisés, plus fruités et aussi bio.
Vous-même, est-ce que vous vous impliquez dans la production de vos vins ?
Oui, je viens souvent ici. J’aime beaucoup m’impliquer dans certaines décisions, comme celles sur les cépages à planter, ou lors des assemblages.
Où votre vin est-il distribué ?
Il est distribué en France, en Allemagne, en Suisse et même au Japon. Ensuite, il est servi à tous les événements Chopard qui se déroulent dans plus de 50 pays à travers le monde.
Pourriez-vous faire une maison d’hôtes au Château Monestier La Tour ?
Nous utilisons le château pour la famille qui vient presque tout l’été ici. En revanche, nous sommes en train de restaurer une maison qui est toute proche mais nous n’avons pas encore décidé ce que nous voulons en faire. Peut-être que nous la louerons telle quelle ou peut-être que nous en ferons un Bed & Breakfast.
Pourriez-vous acquérir un jour un domaine viticole en Suisse ?
J’ai encore beaucoup de choses à faire ici. Ensuite, il faudra que mon fils prenne le relais. Il est encore jeune, mais il est déjà passionné par le vin.
25 Prix moyen d’une bouteille de Monestier La Tour
31 hectares de vignes cultivés en biodynamie
90’000 flacons produits annuellement (rouge, blanc et rosé)