Le virage vert de Neuchâtel
Lors d’une soirée organisée par l’association HabitatDurable, Ana Gonseth, déléguée développement durable et climat du canton a détaillé les conséquences que les ambitions de neutralité carbone impliqueront pour les propriétaires neuchâtelois. Résumé.

Pourquoi parle-t-on de changement climatique?
Les effets du changement climatique en Suisse et dans le monde de manière générale sont déjà grandement ressentis et ne sont plus remis en question. Le canton de Neuchâtel a d’ailleurs été fortement touché ces dernières années. Exemples récents: la sécheresse du Lac des Brenets à l’automne 2018, les violents orages qui ont frappé le Val-de-Ruz en été 2019 ou Cressier en 2021, ou encore la tempête qui s’est abattue sur la Chaux-de-Fonds en 2023. Ces changements climatiques à l’échelle suisse représentent depuis 150 ans une augmentation moyenne des températures de 2°C. Autrement dit, bien plus qu’au niveau mondial où l’augmentation enregistrée a été de 1°C. Tout l’enjeu réside donc dans l’accroissement des émissions de gaz à effet de serre qu’il faudrait limiter afin de diminuer les épisodes d’intempéries qui se révèlent désormais d’une intensité rare et croissante.
Quelle est la contribution du canton de Neuchâtel à ce réchauffement climatique?
Actuellement à +2,1°C, Neuchâtel a déjà dépassé la moyenne nationale d’augmentation des températures depuis l’ère préindustrielle. En 2018, dans le cadre de l’élaboration de sa première loi climat, le canton a alors mesuré ses émissions qui se sont révélées atteindre le seuil des 8,6 tonnes de CO2 équivalent par habitant (contre 5,3 tonnes éq CO2/hab au niveau fédéral). Une différence importante qui se justifie par la production de chaleur, les transports, l’agriculture et l’industrie puisque Neuchâtel accueille une des six cimenteries nationales et une raffinerie sur son territoire.
Est-ce problématique?
La principale source d’émissions est liée à la consommation d’énergies, qu’il s’agit à présent de décarboner. Or, si l’on se penche sur l’évolution de la consommation finale d’énergie de la population suisse depuis le 20e siècle jusqu’à nos jours, on observe deux choses. D’une part, que sur les trente dernières années, alors que la population a augmenté de 30% et la richesse produite dans le pays multipliée par trois, une stabilisation de la consommation d’énergie, voire une amorce de descente a été constatée. Une évolution positive imputable à l’amélioration technologique qui a permis à nos machines et nos appareils électroménagers de gagner en efficience énergétique mais aussi au Programme Bâtiments et aux nombreux efforts fournis par les propriétaires au fil du temps. En revanche, et c’est là que le bât blesse, 80% des sources d’énergie restent encore et toujours fossiles (charbon, combustibles, carburants, gaz...).
Alors comment décarboner le canton?
La décarbonation passera indéniablement par le passage au tout-électrique. Ce qui veut dire plus de pompes à chaleur, plus de photovoltaïque, plus de solaire thermique, plus de e-mobilité, etc. Malheureusement, cette électricité doit parfois être importée (surtout en hiver), en fonction des fluctuations de la pluviométrie annuelle, de la fonte des glaciers et de la disponibilité d’eau dans les barrages. Or, au vu de la situation géopolitique et la réaction des pays qui souhaitent aujourd’hui plutôt garder l’énergie pour eux, le défi de l’électrification de notre pays s’annonce de taille.
Où en est le canton dans la décarbonation?

Comme dit précédemment, le canton de Neuchâtel est à 8,6 tonnes de CO2 émis par habitant et s’est fixé comme objectif d’atteindre les 1 tonne de CO2 par habitant à l’horizon 2040. Un premier jalon a été atteint en 2025 mais les efforts deviennent de plus en plus difficiles (les derniers kilomètres sont les plus coûteux). D’autant que dans l’idée de «neutralité carbone», il faudrait arriver, à terme, à neutraliser les dernières émissions restantes (puisque l’on continuera à produire des émissions incompressibles liées à l’entretien des infrastructures existantes, au traitement des déchets etc.). Le défi sera également de mettre en place des puits naturels (forêts, marais etc) et des technologies qui retireront le CO2 de l’atmosphère pour le stocker durablement. En tant que citoyen, le but sera alors de continuer à diminuer sa consommation énergétique autant que possible, en s’appuyant sur le bon mix énergétique.
Étant propriétaire, comment contribuer à l’atteinte de ces objectifs?
Quatre stratégies peuvent être adoptées à l’échelle de son bâtiment:
- Assainir l’enveloppe de l’édifice en isolant
- Couvrir les besoins en chaleur/ thermiques avec des énergies renouvelables
- Couvrir les besoins en électricité avec du solaire photovoltaïque
- Installer des bornes de recharge pour véhicules électriques
Quelles sont les aides proposées pour les propriétaires?
Le canton de Neuchâtel s’appuie sur un plan climat pour planifier sa stratégie énergétique et aller chercher des crédits. Le plan climat 1 a été adopté en 2023 et comprend 56 mesures à déployer d’ici 2027, en comptant sur une enveloppe de 45 millions de francs. À l’horizon 2040, Neuchâtel table ainsi en théorie sur 4 plans climat (4 programmes d’impulsion climatique) pour atteindre cette fameuse neutralité carbone. Concrètement, voici quatre aides financières sur lesquelles les propriétaires neuchâtelois peuvent aujourd’hui s’appuyer:
LE PROGRAMME BÂTIMENTS DE NEUCHÂTEL
C’est un programme de soutien pour rénover les bâtiments qui ont été construits avant l’an 2000. Il est doté en moyenne de 10 millions de francs par année mais, grâce à la loi climat qui vient d’être adoptée, ces moyens ont pu être augmentés à 12,5 millions de francs pour l’année 2025. L’équivalent sera consacré à nouveau en 2026 mais pour 2027, les coupes budgétaires fédérales risquent de revoir à la baisse ce montant à disposition. Pour être éligible à cette aide, 15 types de mesures peuvent être soutenues et sont détaillées sur le site du Programme Bâtiments. Toutefois, il est important de faire la demande avant le début des travaux.
L’OFFENSIVE SOLAIRE

Le canton soutient les propriétaires qui souhaitent installer des grands panneaux photovoltaïques sur leur toit (ou sur un ensemble de toits), dont la capacité de puissance minimale est de 90 kWc, ce qui correspond à environ 450 m2 (un terrain de basket). La contribution qu’il est possible de demander (après les travaux cette fois-ci) se monte à 11’000 francs par installation. Cette aide vient ensuite en supplément de la subvention fédérale Pronovo.
LA CONSTRUCTION EN BOIS
Depuis juin 2024, un soutien géré par le Service de la faune, forêt et nature de Neuchâtel consiste à intégrer un maximum de bois dans les projets de construction. Pour profiter d’une somme allant jusqu’à 30’000 francs par projet, il suffit d’avoir un minimum de 15 m3 de bois posés dans sa construction (attestation d’origine et de quantité du bois à l’appui). La demande de subvention doit dans ce cas-là être déposée avant le début des travaux.
LES BORNES DE RECHARGE ÉLECTRIQUE
Ce soutien de 800 CHF par borne installée était auparavant réservé aux bornes de recharge partagées, mais depuis l’été dernier, les critères d’octroi de subvention ont été élargis aux propriétaires privés, publics et même aux locataires (pour autant qu’ils aient l’accord du propriétaire). L’aide est à demander après l’installation de la borne.
Cela vaut-il vraiment la peine de se lancer?
Pour l’heure, énormément de subventions sont à disposition afin d’agir à son échelle. La plateforme francsenergie.ch rassemble d’ailleurs l’ensemble des subventions fédérales, cantonales, communales ou autres en fonction de son code postal afin d’y voir un peu plus clair. Il est donc plus que jamais intéressant de passer à l’action sachant que ces investissements de rénovation du bâti sont aussi déductibles des impôts. Autre point à garder en tête, bien que pour l’heure le Conseil d’État neuchâtelois opte pour une stratégie d’atteinte des objectifs par le biais d’incitations, il n’est pas impossible que tôt ou tard, le rythme s’accélère et que ces subventions soient remplacées par des obligations. Cette question est débattue actuellement en politique. Le canton devra par exemple se positionner dans le courant de l’année sur l’obligation de respecter un certain nombre de tonnage de CO2 par m2 de surface habitable construite. Et quand on sait qu’à Neuchâtel, 55% des immeubles construits en 1990 sont estimés en étiquette énergétique F ou G, la partie semble loin d’être gagnée!
