Le nouveau souffle du théâtre de Carouge
Après trois ans de vaste chantier, l’édifice emblématique du Vieux-Carouge qui aura coûté 54 millions de francs termine ses derniers arrangements avant d’offrir un nouvel élan à son quartier.
A quelques mois de son ouverture officielle, le Théâtre de Carouge a fait revenir le public pour présenter son écrin complètement neuf, fraîchement reconstruit rue Ancienne. Durant ce weekend, les curieux se sont déplacés en nombre afin de découvrir les entrailles de ce bâtiment tant attendu et presque finalisé.
Travaux à rallonge
Les commerçants et les restaurateurs se réjouissent de cette ouverture prochaine
«Presque» car le chantier aura été laborieux. Si l’heure est aujourd’hui aux derniers ajustements, notamment techniques, le parcours pour parvenir à ce résultat s’est révélé long et semé d’embûches. Trois ans et demi pour être exact, soit une année de plus que prévu. Et ce, malgré des partenaires de qualité, comme le souligne le directeur technique du théâtre qui a accompagné le projet, Christophe de la Harpe: «Nous sommes tombés par chance sur l’architecte lausannois François Jolliet, amateur de théâtre, avec qui nous avons pu dialoguer toutes ces années sans censure, ce qui n’est pas toujours le cas avec ce type de projets. Moi-même souvent en tournée, il n’a pas hésité à me rejoindre de maintes fois pour s’inspirer de théâtres à l’étranger.» Quelques mauvaises surprises sont néanmoins venues compliquer les choses.
«En augmentant la surface du bâtiment, nous avons empiété sur le toit du parking qu’il a fallu renforcer structurellement tout en maintenant son exploitation», déplore l’accompagnateur de projet. Tout cela en limitant la gêne occasionnée auprès du voisinage, véritable défi pour cette construction située au cœur du Vieux-Carouge. Mais le plus grand frein de ce chantier reste celui de la pandémie qui, au-delà de la période de confinement où un arrêt total des travaux s’est imposé à l’équipe et ses 400 ouvriers, a eu des effets de long terme, générant des difficultés d’approvisionnement.
La spécificité de l’ouvrage a, elle aussi, amené son lot de complexités, ajoutant des contraintes acoustiques, d’infrastructure, ou encore de ventilation aux ouvriers. «La plupart du temps les entreprises de construction n’ont quasiment pas d’expérience technique sur des lieux très particuliers comme les théâtres. Ils doivent comprendre le fonctionnement d’un endroit comme celui-ci et cela prend du temps», indique Christophe de la Harpe. Le gros des travaux à présent derrière eux, reste à convaincre la population et tout particulièrement ceux qui craignaient que le nouvel édifice ne tranche trop avec l’ancien, symbole d’une époque carougeoise.
Repartir complètement à zéro
N’en déplaise, cette nouvelle bâtisse à l’architecture moderne, couverte de centaines de milliers de briques beiges posées unes à unes, a pris des dimensions inédites, augmentant tant en surface qu’en hauteur. Autrefois enterrée à cinq mètres du sol, la cage de la scène principale, désormais de plain-pied, se monte à près de 24 mètres, doublant par la même occasion la taille de l’édifice. «Cela nous a permis d’améliorer la visibilité des spectateurs. Auparavant, notre scène était très évasée, si bien que sur ses 300 mètres carrés, seuls 60 étaient parfaitement apparents. Nous avons repensé nos salles qui sont dorénavant modulables et isolées phoniquement ce qui fait que nous pouvons travailler dans la halle de montage en même temps qu’une représentation sans problème, c’est impressionnant», témoigne le directeur technique.
Grâce à un agencement osé, rassemblant dans une même enceinte les trois salles, les ateliers ainsi que les bureaux, la circulation interne s’est vue à son tour simplifiée et optimisée. Christophe de la Harpe confirme: «Tout est au même niveau, au rez-de-chaussée, et réuni alors qu’avant nous étions dispatchés à plusieurs endroits du canton. Cela a permis de repenser le théâtre et de l’ouvrir sur l’extérieur. Nous n’avons plus l’impression de travailler dans des souterrains du matin au soir.» En effet, conscient de cette problématique, l’architecte s’est attelé à disposer des baies vitrées de toutes parts afin qu’il y ait toujours au minimum une entrée de lumière naturelle indirecte dans chaque pièce du bâtiment. Une idée lumineuse qui fait l’unanimité…
Ce sera un atout de plus pour Carouge qui attirera de nouveaux visiteurs tout au moins pour la beauté de son monument
Un projet profitable à tous
De quoi faire briller Genève aux côtés du Théâtre de la Nouvelle Comédie, récemment inauguré, mais aussi Carouge qui devrait profiter à son échelle de l’attrait pour cet objet architectural. «Nous pouvons nous attendre à des retombées économiques fortes. Les commerçants et les restaurateurs se réjouissent d’ailleurs de cette ouverture prochaine», appuie la Maire de la Ville, Anne Hiltpold. Même son de cloche pour le porteur du projet, Christophe de la Harpe: «Sans aucun doute, ce sera un atout de plus pour Carouge qui attirera de nouveaux visiteurs tout au moins pour la beauté de son monument.»
Côté finances, l’investissement de 54 millions de francs sera vite rentabilisé car si l’évolution du nombre de spectateurs (avant chantier et avant pandémie) se veut rassurante, avec pas moins de 40’000 personnes en moyenne par an, le Théâtre de Carouge pourra à l’avenir s’appuyer sur une offre de meilleure qualité. «On remarque aussi de plus en plus que les institutions comme la nôtre doivent chercher d’autres revenus, élargir leurs activités, et c’est ce que nous allons pouvoir faire par exemple en accueillant des entreprises et leurs clients/employés», détaille le responsable. Une diversification qui se fera également au niveau du public des différentes salles, avec des audiences qui se croisent en un même lieu, et qui créera de la curiosité chez les uns ou les autres. Mais pour cela, il faudra encore patienter jusqu’à janvier 2022, date d’inauguration artistique du nouveau Théâtre de Carouge.