Le marché vaudois se stabilise
Après deux années record en termes de transactions, le soufflé semble être retombé dans le canton de Vaud. Cinq régies immobilières font l'état des lieux de ce début 2023 et donnent leur avis sur la pénurie de logements qui nous guette.
Exceptionnelles, incroyables, extraordinaires... 2021 et 2022 auront été les années de tous les superlatifs au niveau de la vente immobilière. Le canton de Vaud n’ayant pas échappé à cette vague de transactions qui a déferlé sur le marché de la pierre, nous analysions ce phénomène dans une édition précédente (immobilier.ch News du 2 mai 2022). Les chiffres parlaient d’eux-mêmes: 200% de progression des ventes entre 2019 et 2021 pour certaines agences. Mais en ce début 2023, l’heure est à la remise en question. Le contexte faisant pâlir par son incertitude, la population est en proie au doute. Cinq grandes régies ont donc accepté de faire le point sur la situation du canton de Vaud pour nous. Éclairage.
État de l’activité et des prix
«En 2021 et 2022, l’emballement connu par le marché a fait exploser le volume des transactions à 11 milliards de francs alors qu’au cours d’une année normale, entre guillemets, il se situe plutôt autour de 8,5 milliards», souligne Bernard Nicod, à la tête du groupe éponyme. En cause notamment: la sortie du Covid et des taux historiquement bas. Une période à présent derrière nous, avec des remontées de taux successives vécues ces derniers mois et une actualité économique mouvementée. Début 2023, l’activité dans le canton de Vaud s’est ainsi vue quelque peu ralentie selon les experts. «La différence se fait surtout en ce qui concerne le nombre de transactions, qui est inférieur d’environ 15% si l’on compare le premier trimestre 2023 avec celui de l’an dernier», précise Guillaume Châtelain, directeur de Burnier Immobilier.
Stabilisé, le marché serait en réalité simplement revenu à la normale et les prix, restés soutenus, ont quant à eux cessé de croître. Laurent Pannatier, directeur de l’agence Proximmo s’explique: «Si à l’automne dernier les acheteurs et vendeurs étudiaient encore le phénomène avec un peu de recul, ce n’est plus le cas en 2023 où le marché revient à ce que nous connaissions avant 2020.» A la différence que le contexte actuel (taux à la hausse, inflation...) freinerait désormais une partie de la clientèle d’après Laurence Friedli, responsable des ventes chez Galland & Cie SA. «Nombreux sont ceux qui craignent de ne pas pouvoir assumer les charges d’un investissement immobilier. D’autant que les banques, depuis janvier, ont également revu à la baisse l’estimation des biens d’environ 10 à 15%, avec pour conséquence d’influencer les clients à faire des offres d’achat plus basses», commente-t-elle. Difficile de s’y retrouver pour le vendeur/ acheteur. D’où l’importance de la profession de courtier, rappelle Laurent Pannatier de chez Proximmo: «Lorsque le marché est moins favorable comme aujourd’hui, notre métier prend toute sa valeur puisque, plus que jamais, nous devons être justes et précis dans les paramètres que nous définissons lorsqu’un mandat nous est confié. Le prix restant toujours au centre des débats, il est impératif que le processus de vente soit bien réfléchi, analysé et organisé par un professionnel sur le terrain.» Surtout que ce même terrain est composé de différents segments aux spécificités bien propres à chacun.
De l’intérêt pour les promotions
Les projets neufs ont par exemple continué à tirer leur épingle du jeu dans cette stabilité du marché retrouvée. «Tandis que nous avons observé un recul des transactions d’immeubles, le segment de la revente résidentielle, plus particulièrement de villas, ne perd pas de l’intérêt. Le neuf reste plus attractif de manière générale, notamment grâce à sa construction adaptée aux normes énergétiques actuelles», décrit Jean-Côme Chardonnens, directeur de Naef Immobilier Lausanne. Du côté de Proximmo, plusieurs lots par semaine seraient vendus sur les projets en commercialisation sur plan. «Bien que les ventes prennent plus de temps qu’il y a quelques mois, ce qui est normal, les projets de promotion en ville et agglomération à prix justes se vendent toujours très bien», confirme son directeur.
Un micromarché vaudois varié
En rentrant dans le détail du marché vaudois, comme pour les segments, une grande disparité est toujours observable en fonction de la zone géographique. Pas de changement à ce niveau-là soutient Laurence Friedli de chez Galland & Cie: «L’Arc lémanique et ses villes restent le berceau attractif du canton, la demande y est soutenue.» En fin de compte, il n’y a pas UN marché vaudois mais plusieurs comme l’indique à son tour Bernard Nicod: «L’offre, la demande et les prix varient fortement selon que l’on parle de la Côte, du grand Lausanne, du nord vaudois ou de la région Vevey-Montreux (pour ne citer qu’eux). Mais on remarque typiquement que, les conditions de vie en ville de Lausanne se détériorant, la demande est croissante dans un rayon de quelque 20 kilomètres. Surtout là où les transports publics sont développés.» Même discours pour le directeur de Naef Immobilier Lausanne, Jean-Côme Chardonnens. «Le prix pour des appartements neufs en PPE très bien situés en centre-ville atteint parfois les 15’000 francs par m2. Tandis que dans le Gros-de-Vaud ou dans le Chablais, la même typologie de bien aura un prix nettement inférieur», exemplifie-t-il. Laurent Pannatier, qui dirige Proximmo, parle quant à lui non pas de marché local mais «extra-local». Il détaille: «Il y a de fortes différences de prix au sein même des villes vaudoises, comme dans les autres cantons d’ailleurs. Mais à Lausanne, les prix peuvent doubler entre le bas et le haut de la ville.»
Aussi longtemps que n'importe qui pourra faire opposition pour n'importe quoi, cette pénurie de logements perdurera
La pénurie bel et bien à craindre
Parmi les tendances à noter, il y en a une qui se veut plutôt globale cette fois-ci: la pénurie de logements. Et celle-ci poserait problème depuis plusieurs années assure Bernard Nicod: «Aussi longtemps que n’importe qui pourra faire opposition pour n’importe quoi, cette pénurie perdurera. À l’échelle du pays, il y a pour quelque 15 à 18 milliards de francs de dossiers bloqués (environ 1,5 milliard dans le canton de Vaud), c’est-à-dire en attente de permis et bon nombre d’oppositions balayées en 1ère instance se retrouvant en appel, voire au Tribunal fédéral. Cela a non seulement un impact direct sur les coûts (et donc les prix) mais décourage aussi les investisseurs.»
Pour le directeur de Burnier Immobilier, Guillaume Châtelain, il est «déjà un peu tard pour craindre cette pénurie», puisqu’elle arrivera dans tous les cas. La conséquence selon lui d’un système défaillant lié à la construction. «Je parle notamment de la procédure administrative nécessaire afin d’obtenir un permis de construire. Il faut attendre en moyenne 150 jours pour décrocher le précieux sésame, c’est trop!», déclare-t-il. Il s’agirait donc de procéder à un «décrassage» de cette procédure afin de la rendre «à nouveau efficace». Même son de cloche auprès de Laurent Pannatier de Proximmo qui déplore des délais de délivrance des permis de construire beaucoup trop longs. Et ce, alors que la demande est soutenue par un solde migratoire positif. «La montée des prix de ces vingt dernières années a été grandement influencée par ce phénomène. Il reste dommage de ne pas pouvoir répondre plus favorablement à cette demande croissante et que cette distorsion avec l’offre, plus limitée, ne fasse que s’élargir avec le temps», relève-t-il. Une problématique importante qui risque sans nul doute d’animer les nombreuses réflexions et débats à venir...
La pénurie de logements vacants en 2023
La situation dans le canton de Vaud reste identique cette année à celle de 2022. Le taux de logements vacants au 1er juin 2022 est fixé à 1,11%, ce qui représente 4735 logements vacants dans le canton, dont 753 disponibles uniquement à la vente. Sur les dix districts que compte le canton, sept d’entre eux demeurent en situation de pénurie et seuls les districts d’Aigle, de la Broye-Vully et du Jura-Nord vaudois (exception faite de la ville d’ Yverdon-les-Bains), avec respectivement 2,22%, 2,2% et 1,59% de logements vacants, y échappent.