Propriété

Le défi des PPE, parent pauvre de l'immobilier

Gérer une copropriété n’a rien d’un jeu d’enfant. Bien au contraire, ce calvaire vécu quotidiennement par les administrateurs PPE et les copropriétaires eux-mêmes a donné l’idée à Nathalie Berli de créer la solution iGère.

L’équipe de la startup iGère
L’équipe de la startup iGère - Copyright (c) iGère
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L’achat d’une propriété par étage (PPE) est déjà une épreuve en soi qui demande patience, finances et parfois même un peu de chance... Alors lorsque l’on s’installe et que l’on démarre une nouvelle vie, nulle envie de s’arracher les cheveux davantage avec des assemblées générales, des comités de gestion et encore de l’administratif. Et pourtant, Nathalie Berli n’a pas pu y échapper. «Après avoir travaillé quinze ans chez Firmenich à gérer un portefeuille de produits et avoir entamé mon congé maternité, j’ai souhaité prendre une pause. Cela coïncidait avec l’achat de notre appartement à Champel (GE). C’est là que j’ai découvert le monde nébuleux de la PPE», témoigne la jeune femme.

Un manque d’information

«On vous propose directement à votre entrée d’intégrer le fameux comité de gestion, celui qui prendra des décisions pour l’ensemble de la PPE. On vous fait confiance alors difficile de refuser et puis vous vous intéressez à votre investissement», ajoute-t-elle. Alors même si vous n’y connaissez rien, que vous ne savez pas combien de temps cela vous prendra et quelles seront vos responsabilités, vous plongez dedans la tête la première. Ascenseur en panne, suivi des chantiers, discussions avec la concierge ou encore rencontre avec l’administrateur PPE de la régie... Constamment sur place, Nathalie Berli vit la PPE de l’intérieur et comprend vite ce qui cloche.

Tout d’abord, selon elle, il y a un gros problème de communication. «Par exemple, le copropriétaire qui travaille toute la journée ne se rend pas compte des pannes d’ascenseur quotidiennes donc il ne conçoit pas forcément l’enveloppe de 150’000 francs qui est demandée en assemblée pour réparer l’appareillage (l’information n’étant pas diffusée au fur et à mesure)». À cela s’ajoutent les échanges avec l’administrateur PPE qui ne sont pas toujours évidents puisque majoritairement par mail ou téléphone et souvent amputés par le taux de turnover conséquent dans la branche. Des démissions en cascade que l’on observe dans ce métier qui se veut difficile, voire ingrat.

Des PPE qui ne rapportent pas

L’outil permet d’optimiser la gestion de PPEdiaporama
L’outil permet d’optimiser la gestion de PPE

En effet, tandis que le service de gérance locative gérera un seul propriétaire d’immeuble qui aura, dans la plupart des cas, une logique de rendement, l’administrateur de PPE sera confronté pour sa part à plusieurs copropriétaires aux profils divers, qui ont des buts bien distincts (transmettre un habitat durable à leurs descendants, vouloir de la sécurité pour leur famille, du calme pour la retraite...). «Chaque acquéreur aura sa propre motivation et de tout cela il faudra en sortir un consensus pour avancer tous dans le même sens. Or, parfois ce rôle de médiateur devient chronophage», décrit Nathalie Berli. Le service PPE s’avère alors bien souvent peu rentable pour les régies.

La Genevoise commente: «les processus ne sont pas optimisés, les copropriétaires vous dérangent à tout va et le service PPE devient une épine dans le pied des régies qui peinent à recruter et à voir l’intérêt de ce service contrairement au courtage qui génère de l’argent. Résultat: tant les administrateurs PPE que les copropriétaires se portent un désamour réciproque et, par-dessus le marché, les régies hésitent à se délester de ce type d’offre, ce qui rend l’environnement de gestion des PPE très malsain.»

iGère optimise la collaboration

Face à ce constat désolant mais qui ne date pourtant pas d’hier, Nathalie Berli a cherché la solution et créé il y a deux ans iGère. Elle développe une application web qui propose une double interface, utile à la fois pour les copropriétaires et les administrateurs PPE afin de retrouver un fonctionnement et des interactions fluides. Concrètement, du côté de la régie, l’outil permet de traiter toutes les tâches habituelles de l’administrateur PPE. Autrement dit, de communiquer avec les copropriétaires sous forme de chat organisé en conversation (chacune ayant un sujet, ce qui permet d’avoir une trace écrite, de retrouver facilement les problématiques abordées et de canaliser les échanges qui peuvent être 24h/24 et 7j/7 car en ligne), de transmettre les documents et les factures, de conserver les informations sur l’immeuble concerné, d’organiser les assemblées générales, de préparer les convocations, de calculer automatiquement les votes, etc.

Véritable plateforme holistique de services, iGère donne aussi enfin la possibilité aux copropriétaires de suivre en temps réel tout ce qu’il se passe dans la PPE. En pleine phase d’implantation dans les régies, peu à peu Nathalie Berli espère ainsi faire bouger les choses. «En tout cas le marché a déjà réagi car, depuis que nous nous sommes lancés, les gros acteurs de la gestion de PPE essaient justement de proposer des fonctionnalités de ce type peu à peu», souligne l’entrepreneure. Si la startup n’en est qu’à ses débuts, elle répond en tout cas à un besoin et se veut prometteuse. Des nouveautés sont attendues sur iGère qui fait sans cesse évoluer sa solution pour accompagner la demande. De beaux présages pour cette idée venue du terrain qui a déjà remporté le prix de l’innovation RENT suisse 2024. À suivre, de près.