Célébrités

La plus vieille maison de Morat

Dans le plus beau village de Suisse se niche un petit hôtel de charme dont la première mention remonte à 1396: l’hôtel de l’Aigle Noir.

A gauche, la façade de l’hôtel Zum Schwarzer Adler, qui donne sur la rue principale.
A gauche, la façade de l’hôtel Zum Schwarzer Adler, qui donne sur la rue principale. - Copyright (c) © Zentralbibliothek Zurich
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Bien entendu, nous aurions pu à nouveau choisir un château. On estime que le château de Morat date de la fin du XIIe siècle, après que la forteresse fut détruite en 1032 par les troupes de Conrad II le Salique, le fameux roi de Germanie et des Romains. Le hasard veut que Morat, désigné récemment «plus beau village de Suisse», abrite les murs d’un très vieil hôtel.

En effet, la première mention de l’hôtel de l’Aigle Noir date de 1396 dans un «Domus Hospitis». Cependant, en 1416, l’ensemble des habitations en bois de Morat sont détruites par un vaste incendie. Il faut ensuite attendre 1448 pour retrouver une trace écrite. L’Adler est mentionné nommément comme le lieu où fut conclu le traité de paix du 16 juillet 1448 entre la Savoie et Berne d’une part, et Fribourg d’autre part: «Acta et data fuerunt premissa in villa Mureti, in domo Albergarie aquile nigre, videlicet in virgulto ipsius domus, die decima sexta mensis Julii, anno Domini Millesimo quater centesimo quadragesimo octavo». L’acte historique a eu lieu dans le jardin arboré de la cour arrière.

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© Zentralbibliothek Zurich

Des célébrités y séjournent

Comme le veut la tradition, un certain nombre de célébrités sont passés par l’Aigle Noir. On peut citer Jacques de Savoie (1450-1486), le second fils de Louis 1er de Savoie. Appelé aussi Jacques de Romont, ce dernier était, entre autre, seigneur des villes de Morat, Avenches, Payerne, Romont, Moudon ou encore Yverdon. Il sera adoubé chevalier de l’ordre de la Toison d’or en 1478.

Cinq ans après, en 1476, ce serait Adrien von Bubenberg qui aurait dormi dans ce petit hôtel. Le héros de la bataille de Morat fut chargé de défendre la ville menacée par les troupes du duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, qui voulait se venger de la défaite subie à Grandson. Morat résista douze jours au siège, jusqu’à l’arrivée des troupes de secours. Nous savons qu’en 1545, le Conseil bernois offrira une fenêtre en armoiries au patron de l’Adler. L’immeuble aurait été créé à partir de deux maisons qui se sont développées l’une contre l’autre, vers 1580. Vers 1640, l’hôtel devient la propriété de la famille de Rougemont, mais en 1678, cette dernière le revend à Peter Schmid.

Municipalisation

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les grands aristocrates de Morat sont les familles Herrenschwand et Schmid, Elles possèdent ainsi l’hôtel de l’Aigle Noir. Mais, en 1742, lorsque Johann Simon Herrenschwand souhaite le vendre à un certain Rossier, le Conseil de Morat refuse et rachète l’hôtel. Elle le gardera jusqu’en 1804 et va effectuer différents aménagements. Ainsi, en 1777, un nouvel escalier a été installé. La grille en fer date apparemment de cette époque. Un escalier en chêne a été remplacé par de la pierre. En 1763, les «grands salons inférieurs» ont été transformés en salle à manger et meublés, tandis que les chambres et les couloirs ont été blanchis à la chaux. En 1783, la salle à manger est peinte à l’huile et l’aubergiste la fait équiper d’une «tapisserie neuve». Les étages résidentiels avec corniches, pilastres d’angle et ouvertures en arc, ont pu être datés avec certitude comme datant de la fin des années 1730.

Certaines chambres bénéficient d’une terrasse avec vue imprenable.diaporama
Certaines chambres bénéficient d’une terrasse avec vue imprenable.

Casanova et Goethe

Parmi les autres célébrités ayant eu l’honneur d’y séjourner, citons l’écrivain et aventurier italien Giacomo Girolamo Casanova (1725-1798). Il y aurait vécu en 1760 «et, grâce à d’aimables femmes de Morat», on raconte qu’il y aurait passé un moment agréable. Il était venu pour consulter le Dr Johann Friedrich Herrenschwand. Et vers 1786, c’est le poète allemand Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) qui se serait installé à l’hôtel Adler. Il y aurait écrit le poème de Mignon: Connais-tu le pays où les citronniers fleurissent?

Venant de Paris par Lausanne, l’Empereur d’Autriche Joseph II dormira en 1777 à l’hôtel Adler. Enfin, plus récemment, il a aussi accueilli l’artiste et sculpteur Jean Tinguely (1925-1991).

Pour en revenir à l’historique des murs de l’hôtel, c’est en 1804 que la Ville de Morat va se séparer de l’hôtel. Souvenons-nous qu’en 1803, Napoléon avait décidé d’attribuer définitivement Morat au canton de Fribourg, contre la volonté de la population. Enfin, depuis 2000, c’est la famille Montani qui possède ce petit hôtel plein de charme. En 2003, l’entrepreneur Gilbert Montani décide de redécorer chaque suite de l’hôtel par un artiste différent. En 2012, une nouvelle rénovation est menée et les peintures des artistes supprimées, par ailleurs le bar est rénové. La dernière rénovation ne date que de 2020. Date à laquelle l’Adler Boutique Hotel & Pub a réouvert ses portes avec 15 chambres, à la Hauptgasse 45.

Si Morat a réussi à garder son charme médiéval, c’est dans une large mesure grâce à des règles de construction et de protection très strictes. Si la population de Morat s’approche désormais des 10’000 habitants, c’est suite à une série de fusions. Tout d’abord Altavilla en 1991, puis Buchillon en 2013, Courlevon, Jentes, Lourtens et Salvagny en 2016, et Clavaleyres, Charmey et Champagny en 2022.