Un château devenu «maison des artistes»

La plus vieille maison de La Sarraz

03.09.2024 à 11:25/ immobilier.ch Le Magazine

Le château de La Sarraz, occupé sans discontinuité pendant près de 900 ans, a notamment hébergé des peintres, sculpteurs, écrivains et cinéastes, dont Le Corbusier et Max Ernst. Une histoire que l’on peut découvrir à travers un dispositif muséographique récemment remis au goût du jour.

Vue extérieure du Château de La Sarraz.
Vue extérieure du Château de La Sarraz. - Copyright (c) Nadine Jacquet
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Niché sur un éperon rocheux, le Château de La Sarraz a été fondé vers 1049 par Adalbert II de Grandson sous la forme d’un donjon complété par une muraille d’enceinte. Il servait alors à contrôler un point de passage resserré d’importance stratégique et économique entre la France et l’Italie et à prélever des taxes sur les denrées qui y transitaient. «Ce rôle de surveillance et sa position qui domine le défilé du Mormont serait d’ailleurs à l’origine du nom de la ville, dérivé du patois «serata» («fortifié»), précise Mylène Steity, conservatrice du Château de La Sarraz.

La forteresse possède la particularité d’être restée au sein d’une même famille jusqu’au milieu du XXe siècle, transmise par héritage ou par mariage, en l’absence de descendants mâles. Ainsi, lorsque Aymon Ier, baron de Grandson-La Sarra, meurt sans fils en 1269, sa fille aînée Henriette épouse un dénommé Humbert de Montferrand pour fonder une nouvelle lignée, les Montferrand-La Sarra. Cette stabilité a permis de préserver non seulement le château lui-même, mais aussi de constituer une impressionnante collection de meubles et de peintures.

La bibliothèque du Château de La Sarraz.diaporama
La bibliothèque du Château de La Sarraz.

Centre artistique

Au XIXe siècle déjà, sous l’initiative de l’un des membres de la famille, Frédéric de Gingins, le château se transforme en un véritable «musée dynastique» mettant en avant le riche patrimoine familial. Une démarche poursuivie au XXe siècle par le fondateur de la Société du Musée Romand, Henry de Mandrot, qui hérite de la propriété en 1902 de la part de sa tante.

À la mort d'Henry en 1920, sa femme Hélène de Mandrot, passionnée par les arts, décide de transformer le château en un véritable centre d’effervescence artistique. Dès 1922, celle qui sera la dernière châtelaine des lieux, inaugure les «vacances d’artistes», hébergeant chaque été de jeunes créateurs suisses romands.

Sergeï Eisenstein devant le château en 1929.diaporama
Sergeï Eisenstein devant le château en 1929.

À partir de 1927, le château s’illustre comme «maison des artistes», accueillant peintres, sculpteurs, écrivains et photographes, parmi lesquels des figures devenues célèbres comme Le Corbusier, Max Ernst ou Oskar Schlemmer. Divers événements d’envergure sont organisés, tels qu’un congrès d’architecture moderne en 1928 et un congrès international du cinéma indépendant l’année suivante. «Le célèbre cinéaste soviétique Sergeï Eisenstein aurait d’ailleurs tourné, à cette occasion, un film intitulé «Tempête sur La Sarraz», malheureusement disparu depuis, et dont la dernière projection semble avoir eu lieu à Tokyo en 1930.»

Scénographie moderne

De nos jours, les visiteurs du château bénéficient d’un parcours muséo-graphique intitulé «900 ans de dynasties», entièrement réimaginé en 2021. «La nouvelle scénographie a été conçue pour s’adapter à un large public, des amateurs d’histoire aux familles avec enfants.» Deux ambiances distinctes sont proposées. D’une part, des salles historiques ont été aménagées pour conserver l’atmosphère habitée du château. D’autre part, des espaces «white cube» mettent en lumière des objets et récits spécifiques, avec une attention particulière portée aux femmes qui ont marqué l’histoire du lieu, à l’instar de Barbara vom Stein, fille du bailli de Romainmôtier, dont la dot a permis de redonner son faste au château au XVIe siècle.

Page du livre des hôtes représentant Hélène de Mandrot, «attendant ses hôtes du 30 Juin», 1923, signée Marc-Auguste Bastard, mélodies et aquarelle.diaporama
Page du livre des hôtes représentant Hélène de Mandrot, «attendant ses hôtes du 30 Juin», 1923, signée Marc-Auguste Bastard, mélodies et aquarelle.

Grâce à l’utilisation des nouvelles technologies, la visite est proposée de manière autonome et interactive. Les visiteurs sont guidés par des tableaux animés, mettant en scène des personnages ayant vécu sur place pour raconter diverses anecdotes. Actuellement, on peut aussi découvrir deux sculptures de Michel Gillabert installées dans la cour du château, qui répondent au monument funéraire de François Ier de La Sarraz, situé dans la chapelle adjacente. La fondation en charge des lieux organise aussi régulièrement des événements culturels en ses murs. «Nous avons également mis en place une médiation culturelle pour accueillir les élèves de la région et leur transmettre l’histoire et les qualités architecturales uniques du château.»