Rétrospective 2023

L'immobilier commercial fait le grand écart

Dans son analyse du marché de l’investissement immobilier suisse, Naef Commercial Knight Frank fait état d’une transition lente mais confirmée vers une durabilité et des périphéries attractives.

La durabilité et les taux d'intérêt directeurs ont bouleversé le marché immobilier commercial en Suisse
La durabilité et les taux d'intérêt directeurs ont bouleversé le marché immobilier commercial en Suisse - Copyright (c) Freepik
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L’an dernier, deux thèmes majeurs ont bouleversé le marché de l’immobilier commercial: la durabilité et les taux d’intérêt directeurs.

D’un côté, l’épisode inflationniste a joué les trouble-fêtes, obligeant la Banque nationale suisse (BNS) à garantir la stabilité des prix à la consommation. Et ce, à l’aide des taux directeurs qui ont été relevés à plusieurs reprises dès juin 2022, et ont connu une très forte progression (de -0,75% à 1,75%). Ce qui a forcément eu un impact non négligeable sur le marché.

À l’autre bout de l’échiquier, la transition énergétique a également joué un rôle dominant dans le segment de l’immobilier commercial en 2023. L’objectif du zéro émission net en 2050 dans le viseur, la Confédération a défini un plan d’actions sous forme de subventions, de prêts relais et d’exigences toujours plus restrictives qui ont amené les propriétaires à se questionner sur leur(s) bien(s). Tant les coûts de rénovations que la politique d’investissement répondant aux critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) ont in- cité les différents types de propriétaires à se défaire des immeubles n’étant plus aux normes (datant de 1960-1990), pour se tourner, dès début 2023, prioritaire- ment vers les plus récents avec de bons indices énergétiques.

Ces objets plus récents (et plus attractifs) se situant plutôt dans les périphéries et zones en développement, les sites privilégiés ont ainsi rallongé les distances, étirant sans cesse plus les villes pour une offre désormais davantage étalée. Un véritable grand écart que Naef Commercial Knight Frank s’est attelé à décrire dans sa rétrospective 2023 dont voici les grandes lignes.

Genève en pleine réorganisation

Nouvelles surfaces commerciales à Genève d'ici à 4 ans > à 10'000 m2diaporama
Nouvelles surfaces commerciales à Genève d'ici à 4 ans > à 10'000 m2

Prenons le cas du bout du lac Léman, où les nombreux quartiers en développement, situés en périphérie, rebattent les cartes du marché de l’investisse- ment en attirant les acteurs et en libérant des espaces au centre-ville. Des projets neufs d’envergure tels que celui de l’Espace Tourbillon, sur le site artisanal de Plan-les-Ouates, qui a offert au marché environ 95’000 m2 de surfaces ainsi qu’une gare logistique desservant l’ensemble des immeubles. Le quartier de Pont-Rouge (et sa panoplie de tours sorties de terre l’an dernier) est devenu quant à lui un nouveau centre d’affaires qui accueille des bureaux de sociétés de renom, tant nationales qu’internationales, le tout réparti sur six immeubles, soit 110’000 m2.

Le Quartet, aux Charmilles, a vu pour sa part onze bâtiments s’élever sur l’un des vestiges de l’âge d’or de l’industrie genevoise: les ateliers d’Hispano-Suiza. Et le dernier-né n’est autre que le quartier de l’Etang, à Vernier, où quelque 151’000 m2 de surfaces commerciales ont vu le jour ces derniers mois. Des développements qui, selon Naef Commercial Knight Frank «connaissent tous une bonne absorption aux dépens du centre-ville qui perd d’importants acteurs économiques». A l’image de la Banque BNP Paribas qui a rejoint Pont- Rouge ou Edmond de Rothschild qui s’est établi à l’Etang.

Néanmoins, cette désertification des centres offre une opportunité aux propriétaires de rénover ces surfaces et ainsi de les offrir, par la suite, à un prix plus élevé puisque la demande reste soutenue. Naef Commercial Knight Frank es- time par ailleurs le loyer du centre-ville (rive droite) entre 390 et 590 CHF/m2/an, celui du centre-ville (rive gauche) entre 560 et 730 CHF/m2/an alors que celui de Plan-les-Ouates oscille entre 260 et 320 CHF/m2/an ou celui de Vernier entre 270 et 390 CHF/m2/an.

En résumé, le marché commercial des nouveaux sites stratégiques genevois (ZIPLO, Pont-Rouge, Quartet, Etang) se porte bien et les projets à livrer d’ici 4 ans (voir tableau) seront, comme leurs prédécesseurs, plus modestes au niveau du prix. Les prochaines grandes étapes de construction concerneront ainsi en priorité le quartier en mutation du PAV (Praille-Acacias-Vernets).

Le boom de Lausanne-Ouest

Nouvelles surfaces commerciales à Lausanne et région d'ici à 4 ans > à 10'000 m2diaporama
Nouvelles surfaces commerciales à Lausanne et région d'ici à 4 ans > à 10'000 m2

Naef Commercial Knight Frank s’est aussi penché sur l’offre lausannoise. Là encore, même son de cloche: en périphérie, les nouveaux projets livrés ou en cours de livraison ont fait bondir l’offre qui était équilibrée depuis plusieurs années dans la région. Plus précisément, l’Ouest lausannois concentre la majorité des projets de bureaux. Ceux-ci représentent environ 150’000 m2 de nouvelles surfaces prévues dans les trois ans à venir et au moins 120’000 m2 supplémentaires à long terme.

Les loyers quant à eux, restent stables dans l’ensemble mais l’écart s’accentue entre le centre-ville de Lausanne, «où les loyers subissent une pression à la hausse en raison de la rareté», et une baisse dans les zones périphériques (ainsi que sur La Côte), «où la disparité entre l’offre et la demande croît et les loyers baissent». À nouveau, les anciens bâtiments qui ne répondent plus aux normes énergétiques et aux nouveaux standards de qualité sont les plus impactés.

Un retour en arrière

Volume des ventes 2023 selon affectationdiaporama
Volume des ventes 2023 selon affectation

Globalement, 2023 ne s’est pas inscrit dans la continuité des trois années exceptionnelles qui l’ont précédée. Notamment à Genève, où le volume moyen échangé a atteint le record de 3,852 milliards de francs, alors qu’en 2023 celui-ci s’est arrêté au plafond de 2,934 milliards de francs (-24%). D’après le constat effectué par Naef Commercial Knight Frank, «en y regardant d’un peu plus près, nous observons que les immeubles d’affectation commerciale ont été les plus fortement touchés en comparaison des trois dernières années, puisque le volume de transactions à Genève a diminué de 55%».

Des chiffres discordants avec ceux réalisés par les immeubles d’habitation qui, à l’opposé, ont vu leur volume échangé légèrement supérieur à la moyenne des trois dernières années (+0,8%) en 2023. Pénurie de logement oblige... Deux mondes qui ont évolué conjointement lors de l’année écoulée mais ont pourtant réagi différemment aux mêmes variables. L’œuvre d’une inflation persistante, de hausses successives des taux directeurs et de nouvelles réglementations énergétiques ambitieuses. À suivre.