Littérature

L'écrivaine Corinne Jaquet lance une maison d'édition

Comment et pourquoi l’ancienne chroniqueuse judiciaire genevoise a récemment créé les Éditions du Chien Jaune? Portrait d’une écrivaine qui aime les belles histoires et les faits divers, mais pas que.

Corinne Jaquet a déjà édité six livres
Corinne Jaquet a déjà édité six livres - Copyright (c) Simon Chamay
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Deux livres viennent encore de paraître aux Éditions du Chien Jaune. D’une part, le volume 2 de sa collection «Faits divers suisses» qui évoque une douzaine d’affaires particulières intervenues entre 1967 et 1999. D’autre part, la nouvelle édition augmentée d’une autofiction écrite par Pierre-André Sand, l’ancien patron de la Revue genevoise de 1996 à 2002.

De quoi s’agit-il? Comme l’indique leur dépliant: «Maison d’édition à l’ADN très genevois, nous nous intéressons aux plumes de chez nous et à des récits évoquant notre région.» Cinq auteurs sont d’ores et déjà édités par cette petite PME de Veyrier (GE): Sandra Mamboury (la première «Julie» de la Tribune de Genève), Jacques Sallin (metteur en scène, dramaturge et écrivain), Alain Lironi (chirurgien pédiatre), Pierre-André Sand (comédien, musicien, auteur et producteur) et, bien entendu, Corinne Jaquet. Cette dernière publie depuis trente ans des ouvrages sur la police et la justice, à côté de livres pour enfants. Ses douze romans policiers ont pour cadre sa ville natale, Genève.

Les outils indispensables

Nous retrouvons Corinne Jaquet chez elle, à Veyrier, commune où elle a créé et dirigé le journal de Veyrier durant un quart de siècle, avant de le céder à un tiers. Pourquoi alors avoir ajouté ce statut d’éditrice à celui d’écrivaine? Rares sont les exemples, à part celui de Joël Dicker avec sa maison Rosie & Wolfe. «Le déclic s’est produit progressivement. Cela a commencé par le constat fait que la plupart de mes romans étaient épuisés chez mon premier éditeur. J’ai pu récupérer mes droits. Puis, j’ai pris un dépliant au Salon du Livre à Paris d’une société québécoise qui s’occupe de graphisme et d’impression. J’ai commencé alors, dès 2016, par rééditer mes propres livres en utilisant les services de graphisme de cette maison québécoise et un imprimeur en France. Mais il me fallait encore me doter d’un troisième outil: un diffuseur.»

Corinne Jaquet décroche alors un contrat avec l’Office du Livre de Fribourg (OLF) qui distribue les ouvrages de plusieurs centaines de fournisseurs, avant d’opter plus récemment pour Servidis (qui diffuse Slatkine, chez qui Corinne Jaquet a écrit une dizaine de livres, notamment ses six livres pour enfants).

Le déclencheur Pauline Viardot

Au final, c’est suite à des discussions menées avec Sandra Mamboury que le déclic final a eu lieu. L’ancienne chroniqueuse de La Tribune de Genève lui parle d’un manuscrit qu’elle a écrit suite à la découverte de documents sur son arrière-arrière-grand-mère, Pauline Viardot, née Garcia (1821-1910), une célèbre cantatrice, fille du grand ténor espagnol Manuel Garcia, très ami avec Rossini. Au final, Corinne Jaquet ne résiste pas et propose à Sandra Mamboury de l’éditer. Le livre est sorti en novembre 2021.

La jeune éditrice en herbe enchaîne ensuite avec Jacques Sallin à qui l’on doit récemment Tram’Drames, une pièce de théâtre jouée en 2019 et 2023 dans les trams historiques de l’AGMT, inspirée du best-seller de Corinne Jaquet «Meurtres à Genève» (Slatkine) qui recense une vingtaine de faits divers sanglants survenus à Genève au dé- but du XXe siècle. L’auteur évoque dans son premier livre, «La Saint-Sigolin», des souvenirs d’enfance à Jussy avec une grand-mère «encombrante et merveilleuse».

Depuis lors, Corinne Jaquet commence à recevoir des manuscrits de toute la Suisse romande, environ un par mois. «J’ai le souci de lire ceux-ci et de répondre à l’auteur de façon la plus détaillée possible».

Best-seller

Un jour, elle reçoit un texte d’Alain Lironi, un chirurgien pédiatre qui exerce dans un grand hôpital genevois et qui part régulièrement pour des missions humanitaires. Elle est immédiatement séduite par le récit poignant. Elle décide de l’éditer en 2022 et ce livre s’est depuis vendu à plus de 800 exemplaires. «Mon premier but est de ne pas perdre d’argent. Le second: que je puisse défendre mes ouvrages, donc il faut qu’ils me plaisent.»

Son dernier-né: «Toutes les fois où j’ai failli mourir» de Pierre-André Sand. «Il l’avait d’abord édité à compte d’auteur, mais du coup il n’était pas diffusé. Très frustrant. Je l’avais connu quand il s’occupait de la Re- vue de Veyrier. J’ai trouvé son autofiction très sympa, inspirée de sa vie et de celle de ses amis. Nous avons alors sorti une version augmentée.» Comme nous le rappelle l’éditrice, un diffuseur prélève 55% du prix de vente d’un livre, dont une partie sert à rétribuer les libraires. Elle va déposer un certain stock chez le diffuseur, dès lors elle ne peut pas vendre les livres en direct aux libraires. À chacun son job. Très au fait des règles du métier, Corinne Jaquet a aussi un contrat avec un diffuseur numérique. «Et chaque année, en février, j’effectue le décompte pour verser les droits d’auteur». Longue vie aux Editions du Chien Jaune !

Pourquoi le Chien Jaune?

La créatrice des Éditions avait un labrador qui la suivait partout, il y a bien des années de cela. Depuis, elle a un chat. «Il s’agissait d’un golden labrador, que les anglophones qualifient aussi de «yellow labrador», d’où une plaisanterie familiale qui visait à traiter notre animal de «chien jaune». L’idée est restée et le nom de notre maison d’édition rend ainsi hommage à notre fidèle compagnon.» Ce titre est par ailleurs celui d’un roman de Georges Simenon...

Plus d’informations: https://lechienjaune.ch