Valais

Hôtel Weisshorn, un mythe qui n’est pas à vendre

05.03.2024 à 08:10/ immobilier.ch Le Magazine

L’Hôtel Weisshorn fait partie des bâtisses mythiques, celles qu’on voit sur les cartes postales et rappellent instantanément la Suisse. Construire à 2337 mètres d’altitude en 1882, une prouesse qui aujourd’hui encore implique de nombreux défis. Voyage dans le temps.

Passionnés de nature, conseillers fédéraux, délégations étrangères et beaucoup de chefs d’entreprise fréquentent ce site d’exception.
Passionnés de nature, conseillers fédéraux, délégations étrangères et beaucoup de chefs d’entreprise fréquentent ce site d’exception.
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L’établissement semble veiller sur Saint-Luc depuis son promontoire offrant une vue imprenable sur le Weisshorn (4506 m). «Une ou deux fois par an, nous sommes bloqués à l’hôtel en raison des risques d’avalanches, mais pas plus», glisse le directeur et chef de cuisine Oliver Stadelmann. Il a découvert l’endroit en 2010 et ne l’a plus quitté. Il vivait auparavant aux Seychelles.

L’hôtel Weisshorn a connu sa forme actuelle après l’incendie de 1889.diaporama
L’hôtel Weisshorn a connu sa forme actuelle après l’incendie de 1889.

Le Zurichois est tombé sous le charme de l’Hôtel Weisshorn après avoir travaillé des années dans des palaces dans l’archipel de l’Océan indien, au Cambodge et à Londres notamment. «Le luxe, je connais. Ici, c’est différent. Il y a une histoire. La clientèle recherche cette atmosphère. On est comme dans un film d’époque. Les planchers craquent, mais il n’y a pas de fantômes», sourit-il.

Tout rappelle la grande période des Anglais et on imagine volontiers les hôtes fortunés bavarder au salon dans des toilettes soignées. Tenues d’apparat étaient alors obligatoires à l’heure du dîner. Chaque recoin a son histoire. Les fresques intérieures ont été repeintes aux pigments naturels, le mobilier ancien invite à la discussion entre convives et les souvenirs remontent. Très naturellement, l’esprit des lieux pousse aux confidences et à l’introspection.

Quête de nostalgie

Bâti sous l’impulsion des frères Mosoni, l’hôtel s’est également fait connaître par le travail du biologiste genevois Henry Correvon. Il y créa le premier jardin alpestre d’Europe dès 1885. On y trouvait alors des plantes des Andes et d’Himalaya. Ses recherches ont permis de mieux connaître la végétalisation des sols acides. Aujourd’hui, en été, on y répertorie plus de 200 espèces alpestres.

L'hôtel offre une vue grandiose sur le Weisshorn (4506 m), la chaîne des Alpes et le village de Saint-Luc.diaporama
L'hôtel offre une vue grandiose sur le Weisshorn (4506 m), la chaîne des Alpes et le village de Saint-Luc.

Les quatre étages actuels de ce témoin du temps datent de 1891. Chaque pierre a été acheminée à dos de mulets, le piano à dos d’homme, six en deux jours se sont relayés. Au tournant du XXe siècle, l’établissement offre bain, chauffage électrique, téléphone, cure de lait ou de raisin et natation dans le lac froid de Combavert. La nostalgie perdure dans chaque pièce, avec notamment un ingénieux système de douche chauffée au bois à découvrir dans le salon.

L’hôtel résiste au temps. Les héritiers Mosoni l’exploitent jusqu’en 1956. Il est ensuite repris par plusieurs propriétaires successifs. Depuis l’an 2000, il appartient à Werner Fischer, un industriel lucernois vivant en Valais. Une douzaine d’employés vivent dans ce décor unique, ouvert huit mois par an. Le chemin carrossable ne date que des années 1970 et aujourd’hui encore l’hôtel n’est pas accessible aux voyageurs en voiture, mais à pied ou à vélo. En période hivernale, un chemin de randonnée est tracé et une fois par jour un service de navette organisé pour les clients.

Maîtriser le temps et l'espace

Les défis à cette altitude sont nombreux pour un hôtel. Electricité, chauffage, eau courante et potable, sans oublier l’acheminement de la nourriture, doivent être repensés. Si l’été reste la principale période d’exploitation, la trentaine de chambres affichent très régulièrement complet le week-end en hiver également. Alors comment garantir le conforme d’un tel lieu, alors que dehors les nuits descendent facilement à moins 10 degrés et qu’on est éloigné de toute infrastructure énergétique centralisée?

Chaque meuble raconte une histoire.diaporama
Chaque meuble raconte une histoire.

«L’hôtel dispose de sa propre station hydroélectrique. Une personne de l’équipe surveille au jour le jour. Mais l’entreprise R&D Carbon s’occupe de l’entretien et du suivi général des installations techniques. Pour éviter que les conduites ne gèlent, nous avons par exemple un système qui enclenche ou déclenche automatiquement les radiateurs selon les besoins», signale Oliver Stadelmann. Pour l’électricité: bassin d’accumulation, conduite forcée et turbines assurent la production d’énergie. Partie à 2260 mètres d’altitude pour arriver à 2140 mètres, l’eau actionne la turbine qui produit 400 volts en été. Cette puissance rend l’hôtel complétement autonome. En hiver, deux génératrices diesel de secours permettent de combler le manque. L’eau courante vient d’un petit barrage et est filtrée par UV pour être potable.

Un étage entier sous l’hôtel et une dépendance sont réservés à la gestion technique du bâtiment. Il y a quelques années, l’EPFL a effectué des tests pour coupler panneaux solaires et turbines, sans donner suite à ce jour. Une fois avoir alimenté le bâtiment, il faut nourrir et blanchir les convives. Connu pour être une bonne table, l’Hôtel Weisshorn sert chaque jour des menus à plusieurs plats; une prouesse logistique. «L’essentiel de la nourriture est acheminé en ratrak une fois par semaine. En plus, tous les jours, nous allons chercher des produits frais en motoneige. La clientèle vient ici aussi pour être surprise par son assiette», observe Oliver Stadelmann qui prépare une soirée privatisée pour 60 hôtes. Chaque année, une tonne de myrtilles sont commandées pour assurer la fameuse tarte aux myrtilles.

Les salons et les chambres accueillaient la bourgeoise anglaise.diaporama
Les salons et les chambres accueillaient la bourgeoise anglaise.

Pas à vendre

«Ce qui me plaît ici, c’est qu’on est indépendant. Il y a une sorte de liberté. Le propriétaire Werner Fischer agit comme un mécène. Il investit régulièrement dans son hôtel et va le transmettre à ses héritiers. Il n’est pas à vendre», précise-t-il, comme si la question était fréquente. Passionnés de nature, conseillers fédéraux, délégations étrangères et beaucoup de chefs d’entreprise fréquentent ce site d’exception, comme pour marquer une pause dans le temps. Peut-être le secret de cet hôtel pas comme les autres.