Faire rimer immobilier avec durabilité
Que ce soit pour former des étudiants ou perfectionner des professionnels confirmés, la thématique environnementale est en passe de devenir centrale dans de nombreux cursus destinés au monde de l’immobilier.
La vitesse est enclenchée, c’est parti. Il y a d’un côté les institutions pionnières qui ont adapté leur cours depuis bien longtemps, en introduisant les enjeux écologiques à leur programme. De l’autre, celles qui tentent d’innover, pour rattraper leur retard en mettant les bouchées doubles. Quoiqu’il en soit, en préparant la relève de demain, les organismes de formation de la branche immobilière (au sens large) n’ont plus le choix. La demande pour ces nouveaux enjeux de durabilité est plus que jamais marquée et concerne tous les acteurs sans exception, de l’architecte à l’ingénieur, en passant par le régisseur voire l’assureur.
Une tendance qui s’observe d’ailleurs sur le marché de l’emploi: la gestion et l’économie d’énergie ayant représenté en 2020 pas moins de 61’000 postes en Suisse contre 3700 en l’an 2000 (selon l’Office fédéral de la statistique). L’offre s’est donc élargie au fil du temps pour répondre à ce besoin grandissant de main-d’œuvrespécifique. Des certifications comme Immoénergie sont délivrées entre autres par CGI conseils, des Masters comme le «Sustainable Design Futures» de l’IPAC Design Genève sont nés récemment, tout comme des CAS «Énergie et territoire» tel que celui de l’HEPIA qui démarrera au printemps prochain. Dans la même lignée, les étudiants en ingénierie, sciences et architecture de l’EPFL auront l’obligation dès la rentrée 2024 de suivre un cours commun de durabilité. Mais ce n’est qu’un début, puisque chaque année, des nouveautés entrent dans la course à l’enseignement. Dernière création en date: l’Institut des énergies à la HEIG-VD.
L’ingénierie veut séduire les jeunes
Inauguré le 19 octobre dernier, ce nouvel institut a décidé de traiter de nombreuses problématiques du domaine de l’énergie à travers la recherche et l’enseignement. À savoir, celles des réseaux de chauffage à distance, de la production de chaleur, du rafraîchissement des bâtiments, de la mobilité électrique, etc. Ceci afin de répondre à la pénurie croissante d’ingénieurs en Suisse. «Une des missions de notre institut est de promouvoir nos projets auprès des jeunes et surtout des femmes car les métiers de l’ingénierie sont souvent connotés comme masculins alors que nous aurons besoin de points de vue différents pour relever tous les défis de la transition énergétique. D’au- tant que nous avons un taux d’employabilité de 95%», souligne Mauro Carpita, directeur de ce nouvel Institut des énergies.
Une des missions de notre institut est de promouvoir nos projets auprès des jeunes et surtout des femmes car les métiers de l’ingénierie sont souvent connotés comme masculins
Vers des facilitateurs de rénovations
Mais former la relève ne suffira pas pour atteindre les objectifs de neutralité carbone 2050. Il sera nécessaire également d’(in)former les professionnels du terrain, ces acteurs qui agissent au quotidien pour mettre en œuvre cette transition. Une exigence que Guy Jacquemet, ingénieur auprès du service de l’énergie et des forces hydrauliques valaisan, a pris à bras le corps. «Dans le cadre de mon travail, je faisais le constat de nombreux freins à la transition énergétique. Parmi eux, l’incompréhension, les peurs, les doutes de la population par rapport à la rénovation qui est mal comprise, mal perçue et mal documentée. Mais aussi un problème vis-à-vis des entreprises de ce secteur qui sont très compétentes dans leur domaine d’activité mais qui opèrent souvent de façon cloisonnée, en silos», décrit-il.
Face à ce manque de vision globale pour accompagner les propriétaires, Guy Jacquemet s’est donc attelé à monter une opération de sensibilisation, et ce, au moyen d’une formation de «Facilitateur-trice de rénovations énergétiques», créée conjointement avec la HES-SO Valais-Wallis et les Associations professionnelles du Bureau des Métiers, avec un soutien important de SuisseEnergie. Un programme court, de 7 modules et 5,5 jours, lancé en août dernier qui connait déjà un grand succès. «Quatre sessions sont planifiées en ce moment, pour un total d'un peu plus d'une centaine d'inscrits au bénéfice de profils variés allant des employés de commune, aux collaborateurs de banques jusqu’aux professionnels de l’immobilier, ce qui crée tout un réseau d’experts pluridisciplinaires. C’est une richesse qui faisait défaut jusque-là», soutient Guy Jacquemet.
Viser grand, à l’échelle romande
De cette certification inédite, l’USPI Formation a décidé d’en répliquer le modèle à l’ensemble de la Romandie. Sous le nom d’«Immodurable», cette initiation «permettra de former des coachs en transition énergétique dans chaque entreprise pour mieux comprendre par exemple les 60 pages d’un document CECB+ et pouvoir en ressortir l’essentiel auprès des clients», commente Fabrice Theytaz, en charge de cette formation.
Les sujets de fiscalité, de subventionnement, de labellisation ou encore de tech- niques d’assainissement y seront notamment abordés afin d’avoir une «vision de tour de contrôle et gérer un portefeuille durablement comme il se doit», ajoute le responsable. Pour le début des cours, il faudra néanmoins attendre novembre, dont la classe affiche complet, mais pour les retardataires, deux sessions sont déjà prévues en 2024. En tout cas, pas de doute, le changement est en marche et les formations, miroirs de notre monde professionnel, l’ont bel et bien compris.