Aménagement

Développement territorial, l'insoluble équation

À l’occasion de son assemblée générale, la Chambre genevoise immobilière a souligné le besoin de gérer le conflit opposant la croissance économique (donc démographique) et l’aspect limité des surfaces de notre pays.

L'architecte-urbaniste Igor Andersen est intervenu lors de l'AG de la CGI
L'architecte-urbaniste Igor Andersen est intervenu lors de l'AG de la CGI - Copyright (c) Magali Girardin
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L’année écoulée aura été riche en rebondissements au niveau de la politique immobilière et fiscale genevoise. Prenant des allures de montagnes russes, ce sont tour à tour des élections cantonales, puis fédérales, puis plusieurs objets de votations qui ont rythmé son actualité ces derniers mois. Au service des intérêts des propriétaires fonciers depuis 1920, la Chambre genevoise immobilière (CGI) a justement dû monter au front à maintes reprises.

«En particulier pour soutenir l’acceptation de la loi LEFI (Loi sur l’estimation fiscale de certains immeubles), finalement plébiscitée par le peuple, ou pour la conclusion de l’accord historique en faveur de la rénovation énergétique du parc bâti, réunissant quinze organismes et intérêts différents», décrit son secrétaire général, Christophe Aumeunier. Une lutte de tous les instants qui n’est pas pour autant terminée. Opposition à l’étatisation du sol mais aussi refus de l’initiative 180 «Pour + de logements en coopérative» figurent parmi les défis de l’exercice en cours de la CGI.

PIB croissant vs rareté des terres

Autre enjeu de taille qui attend la CGI et ses 7000 membres à l’avenir: celui du développement territorial, notamment par rapport aux zones villas. «Si le PIB du canton augmente chaque année, le territoire, lui, reste fixe. 130’000 personnes supplémentaires sont prévues à Genève d’ici 2050 (+25% d’augmentation de la population). Des arrivées à caser dans 282 km2immuables, c’est le challenge de demain», a relevé le conseiller d’État genevois, Antonio Hodgers lors de l’événement.

Alors, bien entendu, le canton construit en masse (fin 2023, près de 7500 nouveaux logements étaient en cours d’édification dans le canton). Les Grands Esserts, les Cherpines ou encore le périmètre Praille-Acacias-Vernets par exemple viendront prochainement soulager cette situation tendue. Mais cet effort ne sera pas suffisant et cela changera inévitablement la silhouette de Genève telle que nous la connaissons. Le hic: personne ne souhaite bouleverser ses habitudes ou son environnement. «Pour preuve, le législateur avait dit en 2012 qu’il faudrait déclasser 11% de la zone villas (un dixième du total). Pour l’heure, seul 1% de cette classe a muté. Or, même avec ces 11% nous n’arriverions pas à loger les 130’000 personnes à venir... Donc l’équation aujourd’hui est non résolue et c’est là le revers de la bonne santé économique de Genève», a appuyé Antonio Hodgers.

Repenser la ville de façon innovante

Face à ce constat peu réjouissant, Igor Andersen, architecte-urbaniste et directeur d’Urbaplan s’est montré plutôt optimiste, expliquant pour quelles raisons la solution se présentait juste sous nos yeux. «On peut douter des politiques publiques dans leurs capacités à tenir leurs engagements mais je vous invite à rester prudent quant à la vitesse du change- ment. Ce genre de transformations arrive beaucoup plus rapidement qu’on ne peut l’imaginer», a-t-il souligné, prenant pour exemple la parade de Pâques de New-York, inondant de calèches les rues en 1900, puis uniquement de voitures seule- ment dix ans plus tard. Par ailleurs, si les voitures autonomes devaient se répandre un jour en Suisse, les véhicules deviendraient une sorte de taxi, provoquant ainsi l’obsolescence des parkings alors voués à devenir les friches de demain. «En réalité, 80% de la ville du futur existe déjà puisque nous allons la construire sur l’existant.

Ce sont les grandes infrastructures comme les échangeurs autoroutiers (re- présentant un potentiel caché inouï de foncier) qui vont servir cette transition», ajoute Igor Andersen. Un vivier de requalification des espaces qui a déjà été amorcé dans le monde entier mais qui requiert maintenant d’opérer des choix drastiques.

Ombrage, qualité de l’air, micro-forêts, bio-diversité, gestion de l’eau ou encore densité...que faire ou ne pas faire, telle est la question. Et sur ce dernier élément, l’expert émet des réserves: «Typiquement, l’indice de densité fait débat. Selon moi il ne faudrait pas se fier aux chiffres pour repenser la Genève d’avenir mais plutôt se baser sur la forme. Deux quartiers possédant la même densité peuvent être totalement dissemblables». Dans tous les cas, l’architecte-urbaniste le répète, il faudra essayer, se rater, s’inspirer des exemples existants, entamer des processus exploratoires... et le faire vite.