Désamianter son logement, une facture très salée
L’amiante se cache partout, notamment dans les bâtiments construits avant 1990. À l’heure où le taux de rénovation s’accélère, se pose alors la question du coût qu’engendre ce risque sanitaire méconnu et pourtant bien réel.
Véritable raz-de-marée qui submerge le parc immobilier, l’assainissement énergétique est le sujet de préoccupation N°1 du secteur. Ingénieurs, architectes et propriétaires, entre autres, échangent sur les besoins d’isolation thermique, de système de chauffage ou encore de monitorage électrique... Vaste sujet qu’est celui de la rénovation. Mais malgré toutes ces discussions, une question primordiale reste rarement évoquée voire survolée en vitesse: quid de l’amiante?
Une bombe à retardement
Ce minéral naturel fibreux aux allures de toile d’araignée, bien qu’invisible à l’œil nu, a été introduit en Suisse en 1901 pour son aspect résistant à la chaleur ainsi que ses propriétés d’isolant très bon marché. Si bien qu’entre 1970 et 1985, la Suisse voit un pic d’importation et d’utilisation de l’amiante sur son territoire et 80% du parc immobilier s’en voit imprégné. Sols, plafonds, toits, façades, murs, fenêtres, rien n’y échappe. Pas même les ouvriers qui dès 1939 sont de plus en plus nombreux à souffrir de fibrose pulmonaire.
Un symptôme parmi tant d’autres qui finit par inquiéter les autorités. Le lien de causalité des suites d’une exposition répétée à une concentration importante (sur la durée) à l’amiante est finalement constaté, découlant en 1990 sur une interdiction totale de son utilisation dans tout le pays. «En 90 ans nous avons réussi à polluer toute la Suisse», a pointé du doigt Patricio Guzman, chef de projet des polluants de construction chez HSE Conseils, lors d’un séminaire organisé par la SVIT School début novembre. «Les effets de l’amiante sur l’organisme peuvent prendre entre 10 et 40 ans pour se manifester, c’est pour- quoi aujourd’hui encore 200 personnes décèdent de ce mal chaque année, et ce, après avoir travaillé des décennies sur des chantiers sans protection adéquate», souligne l’expert.
Des coûts qui donnent le tournis
Mais qu’entend-on par «protection adéquate»? En réalité, sur tout bâtiment construit avant 1990, aucune intervention mécanique (provoquant de la poussière) ne devrait être réalisée sans mise en place de protections ou diagnostic d’amiante au préalable. «Des fibres d’amiante peuvent être libérées encore aujourd’hui lors de la transformation ou l’assainissement d’un bien. Celles-ci se libèrent dans l’air et sont ensuite inhalées pour finir dans les poumons», décrit Patricio Guzman.
Or, l’omniprésence de cette substance cancérigène toucherait théoriquement près de trois bâtiments sur quatre en Suisse. Les rénovations de ce même parc étant de plus en plus nombreuses, le nombre de diagnostics devrait alors gonfler en parallèle. HSE Conseils effectue par exemple près de 2500 analyses par mois dans ses laboratoires. Cependant, ces types de prélèvements a un coût conséquent: en moyenne sur le marché, le diagnostic d’une villa de 6 pièces se monte à 3000 francs tandis qu’un immeuble complet coûte entre 10’000 et 30’000 francs.
«Ce à quoi s’ajoutent les frais de désamiantage lorsqu’il y a contamination. Il s’agit alors d’installer une bulle de protection de l’air, un sas de décontamination et tout un équipement sophistiqué pour un montant qui atteint les 1000 francs du m2», précise le spécialiste formateur. Un budget pharaonique qui alourdit la charge du propriétaire déjà assommé par des coûts de rénovations difficiles à rentabiliser à court terme. Sans compter la gestion des déchets, qui revêt également de la responsabilité du propriétaire et dont la plupart est enfouie sous terre pour la modique somme de 700 francs la tonne. Un frein sous-estimé à la rénovation qui pourrait bel et bien nous éloigner une fois de plus de nos engagements 2050 zéro carbone...
Des polluants par milliers
L’amiante n’est de loin pas le seul polluant autrefois banalisé et désormais proscrit. En 1986, les PCB, des substances chlorées synthétisées largement appliquées sur les joints notamment, sont interdites. Leur présence perdure cependant au fond de nos rivières, mangées par les poissons qui nous nourrissent par la suite. Courant 2005, l’arrêt net des peintures au plomb est suivi en 2006 par la fin des HAP, des hydrocarbures toxiques que l’on pouvait trouver fréquemment dans les matériaux d’étanchéité, le goudron ou les colles à parquets.
Une liste déjà étoffée de polluants présents tout autour de nous mais qui devrait néanmoins encore s’allonger à l’avenir. «De nouvelles menaces poseront probablement des problèmes demain. Des études menées sur les (FMA) comme la fibre de verre ont pu démontrer les dégâts causés au système respiratoire notamment à l’œsophage. De même, certains bois agglomérés de nos meubles en provenance des grandes chaînes de distribution, assemblés avec des colles qui peuvent dégager des solvants durant toute leur durée de vie, ne sont pas bon pour notre santé mais nous ne le verrons que bien plus tard», confirme l’expert d’HSE Conseils, Patricio Guzman.