Des seniors en manque d'accessibilité(s)
Trop grands, trop excentrés ou encore trop anciens... les personnes âgées continuent d’occuper des appartements inadaptés à leur situation, faute de mieux. Une récente publication du tissu associatif et institutionnel genevois propose des solutions.
Notre société fait face à trois transitions majeures à l’heure actuelle: écologique, numérique et démographique. Si la pre- mière est la plus médiatisée et la seconde davantage concrète au quotidien, la dernière, plus discrète, n’en est pas moins préoccupante. En tenant compte des prévisions, près d’un quart des résidents genevois devraient avoir 65 ans et plus en 2040. Quant aux personnes âgées de 80 ans et plus, leur nombre va pour leur part doubler, passant de 29’600 à 53'000 en 2050 (8% de la population du canton). Pourtant, face à ce constat, les choses bougent encore au ralenti.
La sensibilisation comme levier
Force de propositions, la Plateforme du réseau seniors Genève (qui représente 90 associations et institutions genevoises sur cette thématique), avait déjà tenté une première approche de sensibilisation en 2021. À l’aide d’un rapport faisant l’état des lieux des types de logements pour seniors proposés dans le canton (selon le degré d’autonomie des personnes), une «photographie» de l’offre existante avait pu être établie. Mais très vite, une question s’est imposée: comment y accède-t-on?
Alors, le 1er octobre dernier, une nouvelle publication a vu le jour, cette fois-ci centrée sur l’accessibilité. «Une accessibilité sous toutes ses formes, pas uniquement physique puisqu’elle est également architecturale, financière/administrative/légale et concerne l’aménagement du territoire», précise Irina Ionita, secrétaire générale de la Plateforme. En fonction de ces trois obstacles communs aux différents types d’habitats pour seniors, des recommandations ont ainsi pu être rédigées à destination des acteurs concernés, publics comme privés. En voici un bref résumé.
LOGEMENT PRIVÉ
Vieillir le plus longtemps possible chez soi est le souhait légitime de la majorité des gens. Malheureusement, la part des logements neufs construits sans obstacles et adaptables en Suisse n’a été que de 11% entre 2006 et 2021. Il faudrait donc, entre autres, sensibiliser les propriétaires et régies sur ces questions et, concrètement: prévoir des revêtements de sol permettant un déplacement sûr, supprimer les seuils ou marches, opter pour des douches à l’italienne, privilégier des aménagements modulables ou réversibles... De même pour l’espace public peu engageant et accidentogène, en manque d’équipements, qu’il faudrait aussi largement repenser.
L’HABITAT PARTAGÉ
Il est entendu par-là, les formes de logements telles que la colocation, les coopératives ou les immeubles intergénérationnels qui reposent sur des principes de solidarité et d’entraide entre les locataires qui sont toutefois autonomes. Il s’agit là de suivre les mêmes recommandations que pour le logement privé mais en veillant à respecter l’équilibre en termes d’âges et d’impliquer les seniors dans la création des programmes pour une réflexion du «mieux-vivre ensemble».
En tenant compte des prévisions, près d'un quart des résidents genevois devraient avoir 65 ans et plus en 2040.
LE LOGEMENT ACCOMPAGNÉ
Pour répondre aux besoins des personnes âgées, des organismes privés et des com- munes s’engagent dans la construction de logements offrant un large éventail de prestations. Par exemple: des résidences pour seniors, des immeubles avec encadrement ou de l’habitat évolutif. Toutes ces options doivent néanmoins prendre garde à leur implantation géographique. Les résidents doivent pouvoir accéder à des environnements de proximité, aux commerces, services, activités de loisirs même si les disponibilités foncières du canton de Genève dictent les choix de lieux, et ce, souvent au détriment des synergies.
L’EMS
Le canton de Genève compte 54 établissements médico-sociaux (EMS) accueillant des personnes âgées dont l’état de santé ne leur permet plus de vivre seules à domicile, offrant près de 4200 lits (résidents d’une moyenne de 86,5 ans). Mais, d’ici 2030, le canton aura besoin de 500 lits supplémentaires. Il y a donc urgence à concevoir ces logements en fonction des nouvelles attentes. Typiquement, les EMS ont un fort potentiel non exploité en matière de prestations de proximité et d’intégration à la vie de quartier. Il serait en outre nécessaire d’améliorer les démarches administratives qui demeurent extrêmement complexes et les anticiper plus en amont.
De la parole aux actes
Ces solutions maintenant présentées, reste à savoir si cela aura un effet d’impulsion ou d’illusion... Les acteurs de la Plateforme du réseau seniors Genève se disent confiants. «Même si les questions énergétiques du logement sont sous le feu des projecteurs pour le moment, nous travaillons avec le Conseil d’État et nous pensons qu’il y aura une politique qui intégrera ces aspects du vieillissement d’ici la fin de la législature», affirme Irina Ionita.
Des normes qui pourraient se superposer avec celles contre le bruit, les émissions de carbone, le feu etc. pour finir avec un effet mille-feuille normatif peu évident et très contraignant pour les maîtres d’ouvrage. «C’est bien pour cette raison que nous avons réalisé ce guide d’améliorations, afin d’aiguiller sur ces enjeux qui passent quelques fois au second plan. Nous allons prendre notre bâton de pèlerin maintenant et le diffuser au maximum», souligne Dominique Roulin, présidente de la Plateforme, en guise de conclusion.