De la médecine à la viticulture
Voici le parcours unique d'un autodidacte passionné par la dégustation et la recherche de l'authenticité dans le vin.

Le Dr Patrick Regamey est un personnage atypique, aussi complexe que passionné, dont la vie se partage entre la pratique médicale et la production de vins d'exception. Né à Crans-Montana, Patrick Regamey a grandi dans un environnement multiculturel avec l'italien comme langue maternelle. Dès son adolescence, il élargit son horizon linguistique en essayant d'apprendre le russe. Après le collège de la Châtaigneraie, il poursuit des études de médecine à Genève, où il développe une rigueur et un esprit analytique qui marqueront son approche de la vie, tant professionnelle que personnelle.

Avant même d'embrasser le monde du vin, Patrick Regamey avait déjà prouvé ses talents olfactifs dans l'industrie de la parfumerie. Il a collaboré avec deux parfumeurs travaillant chez Firmenich, où il était engagé en tant que «nez» pour ses compétences à reconnaître et analyser les arômes. Ce talent pour le décryptage des odeurs et des saveurs, couplé à une mémoire gustative exceptionnelle, lui permettra plus tard de s'imposer dans le monde de la dégustation de vin, un milieu pourtant traditionnellement fermé. Son esprit analytique, hérité de sa formation médicale, et sa capacité à poser un diagnostic rapide et précis, le distinguent des experts viticoles classiques.
Une entrée remarquable dans le monde du vin
Passionné par la dégustation, le Dr Patrick Regamey a fait ses premiers pas dans le domaine viticole chez Jean-Michel Novelle à Genève en 1988, où il commence à produire son propre vin dès 1992. Rapidement, il se découvre une véritable vocation pour l'oenologie. Bien que snobé au départ par certains professionnels du vin, qui voyaient d'un oeil sceptique cet autodidacte venant du monde médical, il finit par s'imposer grâce à son savoir-faire. Jacques Perrin, fondateur du CAVE et grand nom de l'oenologie suisse, se souvient de sa rencontre avec Patrick lors d'une soirée de dégustation: «Son esprit analytique et sa mémoire gustative impressionnait. Je l'ai ensuite intégré au Grand Jury européen, où nous avons eu le privilège de déguster les plus grands vins à l'aveugle.»

La naissance d'Histoire d'Enfer en Valais
C'est en Valais, à Corin-sur-Sierre, que le Dr Regamey co-fonde son domaine viticole, Histoire d'Enfer. Ce projet, qu'il mène avec passion et rigueur, devient rapidement une référence en Valais. Le domaine produit une vingtaine de cuvées, principalement des monocépages, avec une production limitée qui met l'accent sur la qualité et le respect du terroir. Patrick prône une culture bio, sans
intrants chimiques, pour préserver la pureté de ses vins, en utilisant seulement du soufre en quantité limitée. Sa philosophie est simple: «Les pesticides ne sont pas bons pour les plantes ni pour la santé. Dans mes vins, en dehors du soufre, je ne mets aucun intrant.»
Une rigueur sans compromis

Malgré l'évolution du domaine et l'arrivée d'investisseurs, Patrick Regamey continue d'appliquer des méthodes de production artisanales et exigeantes. Chaque vin est élevé en fût pendant 12 mois minimum, sans égrappage des raisins pour préserver le caractère authentique des cépages. «Quand je déguste du vin, mon plaisir vient de l'analyse», confie-t-il. Son approche scientifique de la dégustation lui permet de détecter la présence d'intrants chimiques et d'apprécier l'authenticité des vins. Depuis quelques années, Histoire d'Enfer a doublé sa surface grâce à des investissements, atteignant aujourd'hui 12,5 hectares pour une production de 35 000 à 40 000 bouteilles par an. Bien qu'il ait vendu une partie de ses actions, le Dr Regamey reste l'âme du domaine, applique toujours ses principes et s'implique personnellement dans le processus de vinification. «Je fais tout comme si c'était chez moi, mais ce n'est plus chez moi», confie-t-il en référence à son pourcentage d'actions réduit.
Malgré son engagement dans la viticulture, Patrick Regamey n'a jamais abandonné la médecine, une vocation qu'il continue d'exercer avec dévouement. Il partage ses journées entre son cabinet à Crans-Montana, où il consulte de 6h30 à 19h, et son travail au domaine. Bien que ses journées soient longues, cet équilibre entre médecine et viticulture semble être une source d'épanouissement pour lui. En tant que médecin, il est aussi soucieux de la santé de ses patients, rappelant que le vin peut avoir des bienfaits, comme la réduction du mauvais cholestérol, mais que la modération et la qualité restent essentielles.