Dans la peau d'un courtier immobilier
Bien loin de l’image d’intermédiaire véreux, peu formé voire inutile qu’on lui prête parfois, le professionnel de la vente immobilière est essentiel. Pour le prouver, immobilier.ch a passé une journée avec l’un d’entre eux. Récit.
Sur les coups de 7 heures, en ce mois d’octobre, le jour peine à selever. Les rares personnes que l’on rencontre se tirent difficilement de leur sommeil et parcourent la place Bel-Air de Lausanne en un temps record, pressées de rejoindre leur bureau pour une nouvelle journée de travail. Dans ce quartier de l’hypercentre, du haut du plus vieux gratte-ciel de la ville, Laurent Pannatier est quant à lui déjà à l’œuvre. Ayant créé sa propre agence de courtage (Proximmo) il y a de cela quinze ans, le trentenaire sait ce qu’il a à faire... et la journée s’annonce chargée.
Des disciplines qui s’entremêlent
7h15. Laurent a mis au clair son agenda. Au programme aujourd’hui: de la prospection pour commencer. «C’est une partie importante de notre travail. Même si, après quelques années, ce sont souvent nos relations ou nos anciens clients qui nous contactent pour des projets de vente, il faut sans cesse se recréer un portefeuille de biens immobiliers», nous souligne notre interlocuteur. Les recherches terminées, il faut ensuite s’attaquer aux démarches administratives, aussi diverses que variées.
«Être courtier c’est être touche-à-tout car il faut avoir des notions juridiques, fiscales, bancaires, techniques, d’architecture, de marketing et parler plusieurs langues, entre autres... Tout cela est nécessaire pour accompagner les vendeurs et acheteurs dans le processus de vente», décrit-il. Mais pas le temps de se perdre dans les relances du jour, les estimations à finaliser et les actes de ventes à vérifier, la sonnerie du téléphone retentit. Au bout du fil, un propriétaire vient aux nouvelles. Le rôle du courtier étant de décharger le client de l’entier du processus de vente, un suivi régulier est nécessaire. «Cet accompagnement n’a pas de limites. Parfois, nous les aidons à trouver leur nouveau logement, des déménageurs ou à régler des problèmes de voisinage car beaucoup de gens sont novices en la matière et ont besoin de conseils, notamment pour les aspects légaux», détaille le courtier.
Soudain, un autre appel extirpe le courtier de sa pile de dossiers. Cette fois-ci, il s’agit d’un expert en financement qui propose ses services et aimerait le rencontrer pour un partenariat. Intéressé, Laurent cale cet énième rendez-vous dans l’après-midi. C’est à cet instant qu’un vendeur décide de passer au bureau à l’improviste pour négocier le mandat de sa villa à Ecublens.
10h. Le rendez-vous s’est éternisé. C’est la course pour notre guide du jour qui doit se rendre d’urgence à une visite d’appartement vers Pully. «Aujourd’hui, nous rencontrons un couple de jeunes parents primo-accédants et demain ce sera un patron fortuné qui débarquera en hélicoptère avec trois avocats pour qu’on lui présente une maison de maître. Nous touchons vraiment toutes les couches sociales avec ce métier, c’est formidable», s’enthousiasme Laurent Pannatier. Des profils, des histoires ou encore des étapes de vie qui diffèrent mais le courtier sait s’adapter. «En fait, on ne gère pas de la pierre mais de l’humain. On assiste à des scènes très personnelles, des beaux moments mais également des plus difficiles comme des conflits familiaux qu’il faut essayer de désamorcer (en particulier lors d’héritage ou de divorce). On rentre dans l’intimité des gens, jusque dans leur salle de bain ou leur chambre et dans leurs chiffres. Tout cela crée une relation, qu’on le veuille ou non, avec le client et un courtier investi prendra cette charge émotionnelle sur ses épaules». D’ailleurs vient l’heure du lunch et pas de pause pour le jeune dirigeant qui doit rencontrer un vendeur qui n’a que 3 mois pour céder son chalet au plus offrant, faute de moyens.
Un air de montagnes russes
14h. Le courtier peut enfin souffler. Il a du temps pour s’occuper de ses nombreux dossiers en cours et de quelques transactions à finaliser. «Je dis toujours aux nouveaux dans le métier qu’il faut être conscient du stress que l’on subit. On ne doit pas seulement serrer des mains, signer des contrats et voguer de maison en appartement. Contrairement à ce que laissent penser Netflix ou quelques stéréotypes qui nous collent à la peau, le courtage est une profession difficile et d’ailleurs beaucoup abandonnent après 3-4 ans car ce n’est pas évident de tourner, d’avoir de la récurrence et la concurrence ne vous fait pas de cadeaux», nous confie-t-il. À cela s’ajoute le temps long des démarches. Concrètement, entre le moment où le mandat est négocié et celui où la transaction se réalise, des jours, des semaines comme des mois peuvent alors s’écouler. Une latence durant laquelle le courtier doit jongler avec les biens de son portefeuille et composer avec l’incertitude, sans visibilité. «Il arrive que des vendeurs se rétractent, n’ayant plus confiance en vous, dans le marché ou pour rester chez eux. Votre travail part en fumée mais c’est le risque!», témoigne le dirigeant.
Ne jamais couper le cordon
16h. Après x appels téléphoniques, des dizaines de mails échangés et trois cafés avalés, Laurent peut aller chercher son fils à l’école. Un luxe dans ce métier où, a contrario, on ne compte pas ses heures. «On peut vous solliciter le soir à 20 heures comme le weekend mais refuser l’appel c’est prendre le risque de passer à côté d’une opportunité», soulève le jeune homme.
C’est pourquoi, à 18 heures, tandis que la plupart des travailleurs rentrent chez eux, Laurent part honorer son rendez-vous fixé plus tôt dans la matinée avec le potentiel partenaire. «Ce métier est exigeant mais je ne changerai pour rien au monde», conclut-il. Et pour lui comme pour tous les autres courtiers immobiliers, le travail paie, donnant parfois lieu à de belles anecdotes. La dernière en date: une aînée qui se retrouvait seule, sans famille et en proie aux acheteurs peu scrupuleux, a pu se séparer de son bien au bon prix et appelle encore après coup son courtier pour prendre de ses nouvelles. Un métier essentiel donc. En tout cas, nousrepartons convaincus. Et vous?