Valais

Churchill ou l'euphorie des cimes

La rédaction d’immobilier.ch vous propose de découvrir ou redécouvrir la diversité de l’architecture suisse à travers des personnages illustres. Nous vous emmènerons à travers des bâtisses et des édifices connus ou moins connus de Suisse. Dans ce numéro, place aux sommets enneigés avec Winston Churchill et la Villa Cassel.

La Villa Cassel sert désormais de centre d’information Pro Natura.
La Villa Cassel sert désormais de centre d’information Pro Natura.
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Winston Churchill (1874-1965) a vécu jusqu'à 90 ans. Le secret de sa formidable longévité ? « Cigares, whisky et pas de sport », aimait-il répondre. Nous savons aujourd'hui que la réalité est toute autre et que le Premier ministre britannique, vainqueur de la Seconde Guerre mondiale et Prix Nobel de littérature (en 1953), n'a pas toujours été ce vieux bulldog sédentaire. En attestent notamment ses séjours réguliers en Suisse et plus particulièrement dans le Haut-Valais où, âgé de 19 ans, il a effectué l'ascension de plusieurs 4'000 mètres. Ainsi, dans une lettre datée du 6 août 1893 adressée à son père, Lord Randolph Churchill, Winston raconte qu'il séjourne dans un magnifique hôtel (l'Hôtel Schweizerhof de Lucerne) avec son frère John et son précepteur Mr Little. Il relate ensuite leur ascension de la veille, samedi 5 août, du Pilatus (2'128 m),

Dans une autre lettre, écrite le 18 août de Brigue sur du papier à en-tête de l'Hôtel Couronne et Poste, propriété de Joseph Escher, Churchill poursuit le récit de ses aventures helvètes : « Nous venons juste de traverser le col du Simplon – 41 milles de long et très fatigant. (…) Les flancs des falaises de Gougo [Gondo] approchent les 2'000 pieds. Nous avons traversé de nombreux tunnels et ponts. C'est une route splendide et qui passe chaque obstacle sereinement. Demain nous partons à 6 heures pour le train de Zermatt.» De cette station de montagne enregistrée, Winston a gardé un souvenir « charmant ». « Chaque jour nous avons fait des expéditions vers les glaciers environnants. Nous avons vu le grand glacier du Gorner qui n'est qu'à une heure de marche de Zermatt. (…) Mardi,

Winston rentrera à Londres le 29 août 1893, des cimes enneigées plein les qu'il s'empressera de retrouver très vite. Dès le mois d'août 1894, il repart en effet à l'assaut des sommets alpins. Le 12 août, « Winnie » écrit à sa mère de l'Hôtel Bär à Grindelwald, où il est arrivé deux jours plus tôt d'Interlaken. L'endroit « est si plaisant » qu'il pense y rester une semaine. Ce repos sera de courte durée. Quelques nuitées plus tard, Winston escalade la plus haute montagne suisse, le Mont-Rose, qui culmine à 4'634 m. « Ça n'a pas été dangereux mais ce fut très fatigant, écrit-il le 26 août. Plus de 16 heures de marche continuent. J'ai été très fier et heureux de voir que j'étais capable de faire cela et de redescendre très frais.» Qu'elle semble longe, tout à coup, l'image du Vieux Lion corpulent,

Une demeure victorienne

Dix ans après ces lettres historiques, Churchill se rend à nouveau dans le Haut-Valais pour s'éloigner des tumultes de la vie politique. This fois-ci, son choix se porte sur un cadre cossu : une villa de style victorien appartenant à son père spirituel, le richissime banquier Sir Ernest Cassel. « Située à 2'000 mètres d'altitude, la Villa Cassel se situe au-dessus du ham de Riederalp. On l'atteignait à pied, après une montée harassante de trois à quatre heures, détaille Brigitte Glutz-Ruedin, auteure de 'Sept personnalités en Valais' (éd. Slatkine). Les invités gravissaient une pente aride, balafrée par d'interminables lacets. »
Arrivés à destination, ceux-ci étaient récompensés de leurs efforts. Poisson frais de Genève, tendre gibier de Bâle, escalopes de veau de Montreux, intermèdes musicaux à l'heure du thé, rien n'était trop beau pour les hôtes de la Villa Cassel ! « Le soir, toute la société se réunissait dans la grande salle à manger pour le dîner, témoigne la gouvernante. Les dames dans les toilettes les plus raffinées, chaque soir différentes, des diamants dans les cheveux et des colliers de perles sur leur peau rose (…). Des maîtres d'hôtel en frac effectuaient le service, avec des bonnes dont la tenue était assortie à la décoration florale, chaque jour renouvelée. Le cristal et l'argent étincelaient à la lumière des lustres innombrables, et la cuisine et la cave produisaient tout ce que pouvait désirer les bouches les plus exigeantes.»


Quant à la demeure - une quarantaine de pièces réparties sur quatre étages avec de somptueux parquets, des plafonds à caissons et des cheminées françaises - elle est « splendide », selon les propres termes de Churchill. « Je dors comme une marmotte et je me sens en pleine forme, écrit-il le 22 août 1904. Les conditions, en effet, sont merveilleuses. Une grande et confortable maison avec des salles de bains (chose rare à
l’époque, en haute montagne), un cuisinier français, un terrain privé et tout le luxe dont on jouit en Angleterre -, une demeure qui trône sur un gigantesque éperon montagneux de 7’000 pieds de haut et couronnée par les plus célèbres sommets enneigés de Suisse. L’air est pur et le temps est magnifique.»
Réaménagée en hôtel pendant plusieurs décennies après la mort du baron Cassel, la villa abrite désormais, depuis 1976, le premier centre d'éducation à l'environnement alpin de Suisse. Détail amusant : on peut encore voir et toucher un long bâton de marche qui appartenait à Churchill. Durant la saison d'été, il est possible de louer de magnifiques chambres d'hôtes. La bonne nouvelle ? La plaine et la montagne sont aujourd'hui à portée de câble en quelques minutes. Un chemin pédestre bien balisé vous amènera en 30 minutes à pied de Riederalp à la Villa Cassel, en passant par Riederfurka.