"Cette édition du Montreux Jazz proposera des scènes à taille humaine"
Du 5 au 20 juillet, le Montreux Jazz Festival investira la salle Claude Nobs du Casino, un écrin intimiste empreint d’histoire qui favorisera la proximité avec les artistes et une acoustique de qualité. Interview de Mathieu Jaton, directeur du Montreux Jazz Festival.
Le Casino a-t-il immédiatement été choisi pour remplacer les salles du Palais des Congrès, en travaux jusqu’en 2026 ?
Oui, mais comme je n’aime pas les solutions attendues, je voulais un retour au Casino avec une approche très différente. L’idée n’était pas de simplement rappeler les concerts de jazz d’antan, mais de proposer des artistes contemporains dans un esprit patrimonial
Le Casino ne dispose que de 1300 places. Perdez-vous de l’espace par rapport à la salle Stravinski ?
La salle Stravinski pouvait accueillir 4500 personnes et le Lab, 2300. Aujourd’hui, la Scène du Lac offre 5500 places et le Casino 1300. Donc la capacité totale reste identique.
Qu’en est-il de l’acoustique au Casino ?
Dans un monde où le gigantisme prédomine, nous avons voulu revenir à une expérience ultra-intime. Le retour au Casino est donc très intéressant. Cette petite salle permettra une véritable intimité avec les artistes, ce qui c’est souvent perdu dans les concerts donnés dans des stades immenses avec des écrans géants. L’acoustique est par ailleurs très bonne. Vous verrez, nous proposerons des artistes majeurs dans un cadre exceptionnel.
Qu’est-ce qui rend cette salle spécifique ?
Elle est octogonale, à l’opposé des configurations classiques des salles de concert. A vrai dire, ce n’est pas une salle de concert à proprement parler, et c’est ce que nous apprécions chez elle. Le plafond est relativement bas, ce qui favorise l’intimité et la confidentialité. La salle est conçue pour l’écoute, avec des places assises au centre et des places debout sur les côtés et l’arrière, offrant une dynamique unique que nous ne trouvons plus aujourd’hui.
Envisagez-vous de garder cette salle pour les futures éditions du Festival ?
Je n’exclus rien car les moeurs évoluent très vite. Les styles musicaux et les modes de consommation changent. Si cela fonctionne bien, nous pourrions conserver cette salle à l’avenir.
Et la Scène du Lac, pourriez-vous la garder ?
Non, elle n’a pas vocation à durer car elle est située sur la Place du Marché au plein centre-ville de Montreux. Ça sera très impressionnant, mais l’idée est de retourner à terme au Palais des Congrès.
Quel est le lien entre le Montreux Jazz et la ville de Montreux ?
Nous avons de nombreux partenariats, notamment avec les hôtels comme le Montreux Palace, le Mona (ancien Eurotel où Charles Lloyd a résidé pour la première fois), ainsi que la Place du Marché où se trouve la statue de Freddie Mercury. Chaque lieu a une histoire avec le Montreux Jazz. Nous travaillons ensemble pour que le Festival soit agréable pour tous. Les autorités et les partenaires ont compris l’enjeu. Plus nous collaborons, mieux nous parvenons à réaliser de grandes choses.
Tout le monde en sort gagnant ?
Oui, entre 15% et 20% du chiffre d’affaires des hôtels sont réalisés durant les deux semaines du Festival. Nous comptabilisons environ 65'000 nuitées durant cette période pour 80 millions de francs de retombées économiques dans la région. Le Festival est un atout touristique qui doit profiter à tout le monde.
Ne manque-t-il pas un véritable musée à Montreux pour retracer toute l’histoire du Festival ?
Montreux a un projet de musée, mais il serait plutôt itinérant à travers la ville. Le chalet de Claude Nobs reste un lieu unique appartenant à Thierry Ansallem (l’ex-compagnon de Claude Nobs) qui perpétue la tradition en invitant les artistes et les partenaires du Festival, de manière très sélective. On peut toutefois aller le visiter grâce au Freddie Evening.
Le Montreux Jazz s’exporte de plus en plus, dans quel but ?
Nous souhaitons renforcer la marque Montreux Jazz à l’international. Nous le faisons dans des destinations stratégiques sur les plans culturel, économique ou touristique. Nous avons ainsi choisi Rio, Miami, Abu Dhabi, Tokyo et Ibiza, des destinations significatives pour le développement de la marque Montreux Jazz Festival. L’empreinte internationale devient de plus en plus forte, ce qui est nécessaire pour les artistes. Nous devons nous démarquer autrement que par l’argent, donc la notoriété est cruciale.
Y’a-t-il des artistes que vous ne pouvez plus vous permettre d’inviter ?
Oui, certains artistes ne tournent plus en festivals tellement leur production est chère. Cependant, ce qui est intéressant, c’est que de plus en plus d’artistes de grandes tournées veulent revenir aux sources. C’est ainsi que nous avons pu avoir Lady Gaga avec Tony Bennett, Stevie Wonder, Lenny Kravitz ou encore Massive Attack. Les artistes apprécient une petite date où ils peuvent vraiment s’amuser. Muse, par exemple, est venu en pleine tournée pour jouer des chansons qu’ils ne jouent jamais dans les stades.
Comment fidélisez-vous autant d’artistes ?
De nombreux artistes comme Rag’n’Bone Man choisissent Montreux malgré leurs nombreuses sollicitations. Il a même voulu faire la première partie de Sting, ce qui est génial. Les artistes sont fidèles car Montreux, c’est un retour aux racines. Ils reviennent pour la musicalité, l’ambiance, l’accueil et pour s’éclater sur scène.