Transport

Bornes de recharge, la prise de tête

Cas d'école exemplaire mais peu banal, une copropriété de 43 places de parc à Yverdon à réussi à basculer vers l'électromobilité en quelques mois. Récit.

Actuellement, la quantité de bornes de recharge en Suisse ne suffit pas pour répondre à la croissance du nombre de véhicules électriques
Actuellement, la quantité de bornes de recharge en Suisse ne suffit pas pour répondre à la croissance du nombre de véhicules électriques - Copyright (c) DR
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Selon les prévisions fédérales, les voitures 100% électriques devraient passer de 110’000 aujourd’hui à 2,8 millions d’ici 2035 en Suisse. Troquer son moteur thermique pour un système à recharge, une transition qui s’accélère depuis quelques années mais qui se voit freinée par le manque d’infrastructures pour une tranche de la population. Étant donné que 75% des Suisses vivent en location ou dans des logements en propriété par étages (PPE), le chemin risque d’être encore long et ardu avant de pouvoir installer suffisamment de bornes de charge individuelles. Il faut dire que mis à part les coûts à assumer, le locataire doit en plus demander l’accord écrit à son bailleur et les copropriétaires doivent obtenir l’autorisation en assemblée générale pour installer une telle infrastructure dans un immeuble. Alors lorsque tout le monde s’y met, qu’un parking entier est équipé, cela relève du cas atypique voire exemplaire. Une PPE yverdonnoise vient justement de réussir à passer ce cap. Récit de cette longue épopée sur la route de l’électromobilité.

Un choix tourné vers l’avenir

C’était il y a trois ans. Anne-Marie Castella, fondatrice de Castella Immobilier et administratrice d’une PPE de 35 lots (deux immeubles) et 43 places de parc à Yverdon-les-Bains, voit affluer les demandes pour des chargeurs de voitures électriques. L’occasion s’est donc présentée d’étudier concrètement la question. Faute d’infrastructure en place, plusieurs locataires et copropriétaires émettaient le souhait d’installer leur propre système dans le parking (rallonge depuis leur appartement ou installation individuelle pour des véhicules électriques ou hybrides). «Je ne pouvais pas autoriser de telles installations trop instables pour le réseau et risquer de provoquer un incendie. Je voulais étudier une solution globale avec une valeur ajoutée», témoigne la régisseuse.

Après avoir approché plusieurs entreprises spécialisées dans le domaine et demandé plusieurs offres, Anne-Marie Castella finit par opter pour Helion, premier installateur solaire de Suisse, afin de l’épauler dans son approche globale de l’électromobilité. «Je souhaitais proposer à mes copropriétaires la mise en place de 43 bornes de recharge dans le parking commun mais faire appel à un tel investissement en assemblée générale relevait un peu du parcours du combattant», raconte l’administratrice.

Une flotte d’arguments favorables

Une PPE yverdonnoise a fait équiper de bornes de recharge un parking entierdiaporama
Une PPE yverdonnoise a fait équiper de bornes de recharge un parking entier

Convaincue par le projet... il y avait de quoi puisque la liste des avantages est longue. Pour commencer, en équipant entière- ment le parking en une seule fois plutôt que par à-coups, les bornes sont alors connectées et peuvent ainsi communiquer entre elles. «Autrement dit, il y a une gestion dynamique des charges, ce qui ne fait pas de différence si une ou deux voitures se branchent à pleine puissance en même temps, mais si l’on passe à 10 ou 15, l’énergie est mieux répartie entre les véhicules et le réseau électrique se protège de la panne», souligne André Gomes, directeur romand de Helion.

Autre atout de cette approche d’installation globale: les subventions. L’aide financière du canton (de Vaud en l’occurrence) étant unique par bâtiment, si un premier locataire faisait la demande dans son coin pour sa propre installation, le voisin de palier n’aurait pas pu en bénéficier dans un deuxième temps. «Il y a également une réelle économie d’échelle à penser en parking complet. Dans le cas de cette PPE yverdonnoise, le prix de l’installation et de la mise en service de 5 bornes de recharge se montait à 26’000 francs, alors qu’en regroupant 43 bornes et les subventions qui en découlaient (50% du montant total), chaque copropriétaire se retrouvait finalement avec 1500 francs par borne, rendue/posée, à financer (soit un total de 63’500 francs)», précise André Gomes.

Côté régie, pas de souci non plus à se faire. A l’idée de se rajouter des décomptes d’énergie, des contrôles et des refacturations, le projet peut faire pâlir plus d’un administrateur de PPE. En réalité, comme dans le cas de cette copropriété à Yverdon, tout peut être géré par un prestataire externe. D’autant que grâce aux technologies, chaque borne attribuée à un locataire est munie d’un badge sécurisé qui protège de toute utilisation abusive. C’est donc forte de tous ces arguments qu’Anne-Marie Castella s’est rendue à son assemblée générale avec un projet solide à défendre.

La vitesse est enclenchée

«J’avais annoncé l’ordre du jour, préparé les éventuelles procurations de vote, envoyé le projet en détail en amont et fait venir Helion pour une présentation aux copropriétaires le jour J. Toutes les questions ont pu être posées et les devis étudiés en détail», se remémore-t-elle. Ainsi, lors du vote, l’administratrice PPE obtient l’adhésion générale tant redoutée. Un exercice tout sauf évident selon elle: «Je n’ai pas de boule de cristal, peut-être que dans huit ans, la solution idéale sera finalement l’hydrogène. Mais dans le contexte actuel, tout nous suggérait d’aller dans le sens de l’électromobilité. J’ai fait au mieux, tout en gardant un œil affuté sur les finances de mes copropriétaires afin de proposer un projet qui vaille la peine pour tous.»

Non lassée de cette expérience, cette dernière ne s’est d’ailleurs pas arrêtée là. Peu de temps après l’installation des bornes de recharge, c’est un projet de panneaux photovoltaïques à placer sur les toits qu’Anne-Marie Castella a présenté cette année à ses administrés PPE (toujours accompagnée par Helion). À nouveau, l’investissement de 130’000 francs se voit assumé pour moitié par les subventions. Un atout indéniable, d’autant que le surplus d’énergie produit est revendu, avec une répartition équitable des recettes entre les copropriétaires. «En plus des revenus supplémentaires générés par cette installation, ce deuxième projet devrait nous permettre d’améliorer la note CECB de notre immeuble», ajoute l’ Yverdonnoise.

Accepté à large majorité, le projet photovoltaïque est en cours de réalisation tandis que les 43 bornes de recharge électrique font déjà leur office. «Ce cas concret de réussite, où tout le monde est gagnant, locataire, copropriétaire et régisseur, a inspiré d’autres PPE qui souhaitent reproduire ce schéma donc j’y travaille actuellement», conclut Anne-Marie Castella. Une avancée autant attendue qu’espérée.