En coulisse

Bienvenue chez Google Zurich!

Arrivé il y a 20 ans en Suisse, Google occupe désormais une douzaine de bâtiments à Zurich. Visite du campus d’Europaallee, un projet de développement de la zone de la gare qui a mis des décennies à voir le jour.

Le nouveau campus de Google à Zurich ne cesse d’évoluer et regroupe plusieurs bâtiments le long de l’Europaallee.
Le nouveau campus de Google à Zurich ne cesse d’évoluer et regroupe plusieurs bâtiments le long de l’Europaallee. - Copyright (c) DR
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Ils étaient deux à Zurich en 2004, puis 500 et aujourd’hui 5000. Les Zooglers, surnom des collaborateurs de Google à Zurich, profitent d’espaces de travail hors norme. Tout est pensé pour que les équipes et les compétences diverses communiquent entre elles. Chacun se croise et se retrouve dans un environnement libérant créativité ou intelligence émotionnelle.

C’est particulièrement vrai dans le nouveau campus d’Europaallee, inauguré en 2022. On y découvre plus de 50 000 m2 de bureaux colorés au mobilier modulable ou sur roulettes. Pour la tranquillité, on préférera les alcôves de travail au design confortable, les salles insonorisées baptisées au nom de personnalités suisses inspirantes ou les coins sieste. Pour l’émulation et le développement du réseau interne, on choisira l’auditorium, les cafétérias encourageant à la nourriture saine, les salles de sport ou d’escalade pour se vider la tête ou les «mini-kitchen». Ces mini-cuisines comme à la maison, avec un plateau de travail central, invitent à l’échange.

La «Cafèt» est l’un des points d’orgue de cette réflexion où chacun doit être amené à croiser un collègue.diaporama
La «Cafèt» est l’un des points d’orgue de cette réflexion où chacun doit être amené à croiser un collègue.

Favoriser l'épanouissement

«À chaque étage ou presque, il y a une «mini-kitchen». On peut évidemment y cuisiner mais aussi y travailler avec des collègues. Des cours de cuisine sont également organisés. Nos bureaux sont une manifestation physique et visible de notre culture d’entreprise. Ils doivent faciliter l’épanouissement», glisse Samuel Leiser, chef de la communication chez Google Zurich depuis 13 ans. Toboggans, billards, ping-pongs, babyfoots et hamacs sont toujours présents, mais désormais plus discrets chez le géant américain qui a inspiré des milliers d’ambiance de bureau. Toilettes non-genrées et chambres d’allaitement font également partie de la philosophie d’aménagement depuis longtemps.

La cour intérieure.diaporama
La cour intérieure.

Inévitablement, même les employés présents depuis des années se perdent dans ce labyrinthe. Mais le flux naturel autour d’une cour centrale les ramène vers la cafétéria principale. La végétation y domine. Les centrifugeuses déclinent jus de fruits ou de légumes à la demande, tandis que le barista professionnel semble venu en ligne directe d’Italie. La «Cafèt» est l’un des points d’orgue de cette réflexion où chacun doit être amené à croiser un collègue. «Les gens travaillent beaucoup dans cet environnement. Ils sont au calme puisqu’il y a de nombreux recoins différents, mais en même temps dans un cadre dynamisant et décontracté. Il y a toujours quelqu’un ici. C’est important que les collaborateurs se rencontrent», explique Samuel Leiser.

Susciter les interactions

Incitant à la sérendipité, ou l’innovation née d’interactions inattendues, ces espaces collaboratifs ont fait de Google un modèle du genre. Zurich est ainsi devenu l’un des plus importants centres de recherche et développement de Google, le plus grand en taille hors des Etats-Unis. C’est ici qu’ont été développés, notamment, Google Assistant, Google Maps, la reconnaissance d’images Google Lens ou Content ID, permettant de protéger les droits d’auteur.

Christine Antlanger-Winter, directrice générale de Google Suisse depuis 2023, explique dans une interview interne l’importance du mélange des savoirs. «Il en résulte une culture de collaboration entre les différents secteurs de produits. Chacun a ses priorités et ses méthodes de travail, mais dans nos bureaux, les départements se rencontrent régulièrement, par exemple à la cafétéria. Cela favorise les échanges interdisciplinaires et peut aboutir à de nouvelles idées. Mais ce qui rend notre site de Zurich vraiment spécial, c’est cette grande mixité des personnes qui y travaillent. Avec des employés de 85 nationalités, nous sommes l’un des sites Google les plus diversifiés au monde», mentionne-t-elle.

Le géant américain a inspiré des milliers d’ambiance de bureau.diaporama
Le géant américain a inspiré des milliers d’ambiance de bureau.

Le 2e campus et les expansions

Le campus d’Europaallee est le site le plus important de Google à Zurich. Il compte six bâtiments dans le quartier proche de la gare. Cependant, rien d’ostentatoire. On peut facilement passer devant l’une des entrées principales sans voir le petit logo Google. L’autre campus est différent. Il est implanté dans le quartier prisé d’Hürlimann Areal, ancien brasseur de la ville. Immeubles en briques rouges, salle de squash, jungle intérieure avec près de 100 plantes, cafés, spa et hôtel animent cette zone historique. La tradition y veut que la musique de Heidi retentisse à 17 heures dans les bureaux pour annoncer le «happy hour» de fin de semaine. «Les deux campus ont des ambiances et des styles bien à eux. L’un issu du design des années 2008 et l’autre vers la gare est plus récent. On préférera peut-être aujourd’hui des fauteuils plus confortables et moins de toboggans», plaisante Samuel Leiser qui a vécu une large partie de l’évolution de Google à Zurich. L’entreprise de Mountain View se sent bien en Suisse et n’a pas fini de s’y étendre. Un nouveau secteur à la Müllerstrasse 16/20 est prévu pour les Zooglers. Il s’agit d’un bâtiment de Swiss Prime Site Immobilier, rénové selon les principes de l’économie circulaire. En effet, l’immeuble des années 1980 est repensé et mis à neuf avec les matériaux issus de sa déconstruction. Si Google a transformé ses espaces à son image, il n’est pas propriétaire, mais locataire d’une douzaine de bâtiments à Zurich. La plupart appartiennent aux CFF, notamment ceux d’Europaallee. Le développement de ce quartier n’a d’ailleurs pas été sans difficultés. Celui-ci a commencé bien avant l’arrivée de l’entreprise technologique. En effet, les premiers projets pour réaménager le quartier de la gare datent d’il y a plus de 50 ans. De nombreuses initiatives ont échoué.

Ces espaces collaboratifs ont fait de Google un modèle du genre.diaporama
Ces espaces collaboratifs ont fait de Google un modèle du genre.

Aujourd’hui, cette zone regroupe 76 locaux commerciaux, 4800 places d’étudiants, 8000 places de travail, 400 appartements, 170 lits d’hôtels et un parking de 500 places. Des chiffres qui évoluent sans cesse. Cela dit, Google reste le plus grand locataire d’Europaallee.

Pour favoriser son intégration, la société s’applique à créer du lien entre ses collaborateurs, et également avec la population. Selon une étude de l’Economic Impact Report 2023, Google est à l’origine de 34’000 emplois indirects en Suisse. De plus, l’entreprise forme à Zurich 44 apprentis et organise des DigiCafés, à savoir une assistance aux personnes en difficulté avec les outils numériques. Enfin, parmi ses divers engagements solidaires, elle collabore avec l’ONG suisse Little Scientist pour encourager la formation des filles dans les MINT (Mathématiques, Informatique, sciences Naturelles et Technique).

UN DEMI-SIÈCLE DE BATAILLE
Le réaménagement du quartier de la gare de Zurich a fait couler beaucoup d’encre. À tel point que Werner Hüber en a écrit un livre publié en 2016. Une des préoccupations récurrentes était de voir un centre-ville dont les loyers explosent en raison de l’implantation de surfaces commerciales et de bureaux. On craignait «un ghetto pour hauts revenus». Autres défis: le dimensionnement des parkings, les querelles d’architectes, les oppositions politiques ou publiques, les crises financières et le retrait ou l’arrivée d’investisseurs. Ce brouhaha incessant enterrait ou bloquait à chaque fois les propositions.
«Sur une période de 32 ans, environ 150 millions de francs ont été dépensés sans résultat concret», mentionne Werner Hüber. Un montant évoqué pour de vaines procédures et cela alors que l’on n’est qu’au début des années 2000. «La valeur totale des investissements sur le site d’Europaallee s’élèverait à un milliard de francs», estime la NZZ en 2016, incluant l’acquisition des divers terrains.
Depuis la fin des travaux en 2020, les critiques se sont apaisées. Zurich reste une ville parmi les plus chères du monde, avec ou sans son Europaallee qui affiche plutôt une belle mixité entre bureaux, logements, commerces et centres de formation. Récemment, on évoquait l’odeur désagréable des ginkgos, arbres de son allée centrale, un souci qui fait sourire en comparaison aux décennies de batailles administratives, politiques et juridiques nécessaires à sa réalisation.