Tolochenaz

Audrey Hepburn, la parenthèse vaudoise enchantée

Une fois par mois, nous vous emmenons à travers des bâtisses et des édifices connus ou moins connus de Suisse. Dans ce numéro, place à Tolochenaz, avec Audrey Hepburn et La Paisible. Cette villa fut la dernière demeure de l’actrice iconique qui y vécut de 1963 jusqu’à sa mort en janvier 1993.

La Paisible.
La Paisible.
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Tous ceux qui l’ont connue racontent la même chose. «C’était quelqu’un de normal, pas une star, une madame Tout-le-Monde». Comme l’héroïne de son livre préféré, Heidi, Audrey Hepburn privilégiait la vie loin de la civilisation, en pleine nature. Pourtant, la première partie de son existence est loin de ressembler à un long fleuve tranquille. Née Audrey Ruston le 4 mai 1929 à Ixelles (Belgique) d’une mère hollandaise et d’un père anglo-irlandais, l’inoubliable interprète de Holly Golightly a passé son enfance entre la Belgique, l’Angleterre et les Pays-Bas, suivant les mutations de son père. Cette vie nomade prend fin en 1935, lorsque son père, devenu sympathisant nazi, quitte le domicile sans laisser d’adresse. «Elle reste avec sa mère en Angleterre jusqu’en 1939, date à laquelle celle-ci, redoutant les bombardements, décide de partir pour les Pays-Bas, détaille Ambre Calvez dans Audrey Hepburn, femme engagée. Elle pense alors que la situation sur place est plus sûre. À tort.» En 1940, les troupes nazies envahissent les Pays-Bas. Audrey devient Edda van Heemstra. «Être anglaise au sein de l’occupation allemande aurait pu lui valoir au mieux l’emprisonnement, au pire, la déportation.»

Résistante à onze ans

Elle n’a que onze ans lorsqu’elle commence à dissimuler, dans ses chaussettes, des messages pour la Résistance. Pour subvenir aux besoins de sa famille, elle donne des cours de danse illégaux. «Gravement touchée par la malnutrition, malade, elle est forcée d’arrêter la pratique de sa passion, car devenue trop faible.» À la fin de la guerre, en 1945, Audrey Hepburn décide de devenir une danseuse étoile. Trois ans plus tard, son rêve se brise à cause de sa taille – elle est jugée trop grande (1,70 m) - et des souffrances physiques qu’elle éprouve encore. «Loin de se laisser abattre, c’est à ce moment-là qu’elle décide de commencer une carrière dans le cinéma», poursuit Ambre Calvez. Bonne pioche puisque dès son premier film, Vacances romaines, elle recueille un oscar à Hollywood, à seulement 24 ans. «Déterminée et généreuse, malgré une apparente fragilité, elle entame une carrière fulgurante où elle côtoie les plus grands: Gregory Peck, Humphrey Bogart, Henry Fonda, Fred Astaire, Gary Cooper, Cary Grant, Sean Connery, Mel Ferrer, enfin, qu’elle épouse, formant avec lui un couple rayonnant», détaille Bertrand Meyer-Stabley dans une biographie qu’il a consacré à la star. En 1961, elle est sublime dans Breakfast at Tiffany’s. Trois ans plus tard, elle crève l’écran dans My Fair Lady. De façon intéressante, alors que le Hollywood de l’après-guerre vénère les blondes sulfureuses aux corps de naïades, Audrey Hepburn impose à son insu un nouveau canon de beauté. Des années de froid et de privation lui ont laissé pour toujours cette silhouette qui semble prête à se briser. Son allure d’oiseau fragile et éthéré, ses grands yeux de biche prise dans les phares d’une voiture, émeuvent le public. Aujourd’hui encore, elle continue d’inspirer les éditoriaux mode et de nombreuses femmes copient son style, ses franges, ses foulards, et ses tailleurs confectionnés par son ami, Hubert de Givenchy.

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Audrey Hepburn en 1966.

À la fin des années 60, Audrey Hepburn décide de mettre fin à sa carrière pour se consacrer à des actions humanitaires. C’est aussi à la même période qu’elle s’installe en Suisse, dans la petite municipalité de Tolochenaz. «Elle avait acheté la Maison avec Mel, mais y vivra surtout sans lui, écrit Pierre Charpilloz dans Audrey Hepburn, Une star pour tous. Au-delà de quelques interludes, elle y passera le reste de sa vie. Depuis son enfance, elle n’avait fait que voyager et déménager. Enfin, à trente-cinq ans, elle pouvait poser ses affaires.»

Dans le village, tous la connaissaient comme une simple voisine. «Quand elle (était) là, elle march(ait) seule dans les rues, sans garde du corps, rapporte encore Pierre Charpilloz. Lorsque Sean (ndlr: son fils) était inscrit dans la petite école communale, elle allait le chercher tous les jours à bicyclette. (…) Audrey n’aurait jamais voulu une villa à Beverly Hills, comme d’autres stars de sa génération. Elle aimait cette vie de village. Et elle aimait surtout ce grand jardin, son arbre centenaire, son verger et ses soixante rosiers que lui avait offerts Hubert de Givenchy pour son soixantième anniversaire.»

À quoi ressemble La Paisible? De la rue, on ne voit rien. Un ancien et épais mur en pierre entoure la propriété. Une plaque sur le mur extérieur rappelle cependant la présence de la star: «Ici vécut de 1963 à 1993 Audrey Hepburn». L’intérieur de la villa a été immortalisé par le photographe Henry Clarke en 1971, pour le magazine Vogue. Grâce à ces clichés rares, on découvre la décoration rétro aux couleurs pop acidulées qu’affectionnait tant Audrey Hepburn. Dans la bibliothèque, le canapé magenta rappelle la toile colorée de l’artiste mexicain Rufino Tamayo. Dans le salon, on aperçoit des toiles de l’artiste Camille Bombois. La chambre à coucher où trône un lit à baldaquin aux imprimés de fleur de lavande mais aussi, de part et d’autre du lit, deux tables de chevet en osier blanc, dégage un charme suranné. Dans le jardin de La Paisible, les branches du grand chêne n’ont toujours pas été coupées. Les fils de la star, Sean et Luca, ont fini par vendre la maison. C’est une famille de Parisiens qui a acheté la demeure qu’on ne peut malheureusement pas visiter. Mais un souffle semble venir du Léman, nous dit Pierre Charpilloz, et remonter à travers champs dans les hauteurs de Tolochenaz. L’âme d’Audrey est toujours là.