Acheter moins cher grâce aux enchères
Ce type de vente «atypique», bien souvent boycotté par méconnaissance, s’avère en réalité un moyen peu coûteux d’accéder à la propriété. Nous avons participé à l’une d’elles pour vous faire découvrir son fonctionnement.
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Devenir propriétaire en Suisse s’assimile pour beaucoup d’entre nous à un mirage, une utopie, tout au plus un rêve lointain que l’on espère approcher un jour... Il faut dire qu’avec un taux de logements en propriété qui avoisine les 19% à Genève, 30% dans le canton de Vaud et 36% à l’échelle du pays, bon nombre d’Helvètes ne tentent même plus leur chance. C’est donc résignés qu’ils s’acquittent de leur loyer chaque mois sans forcément aller chercher ailleurs.
Et par ailleurs, entendons-nous bien, il ne s’agit pas de se délocaliser dans le canton de Glaris. Non, il est question de trouver l’alternative, LE moyen qui permettra d’accéder à la propriété sans devoir se ruiner. Or, une solution souvent méconnue et parfois prise de haut existe déjà sous nos yeux: les ventes aux enchères immobilières des Offices cantonaux des poursuites et des faillites.
Une première incursion

De quoi s’agit-il? Comme leur nom l’indique, ce sont des biens immobiliers saisis dans le cadre de procédures de poursuite (fréquentes) ou de faillite (1 à 2 fois par an) vendus ensuite publiquement au plus offrant. Pour pouvoir participer à l’enchère, il suffit de se rendre sur place, dans la salle des ventes indiquée, et de surenchérir oralement ou de formuler une offre écrite en cas d’absence. Un acompte représentant un certain pourcentage de l’estimation du prix du bien est à effectuer par virement (au plus tard deux jours avant le début des enchères), en présentant un chèque ou en payant en espèces un maximum de 100’000 francs.
Jusque-là, rien de compliqué. Nous décidons donc de tenter l’expérience en nous rendant aux enchères de deux appartements, le 23 janvier dernier, dans l’enceinte de l’Office cantonal des faillites, à Genève. Dans la salle, la préposée aux enchères, cheffe de service, et son équipe se préparent à mener la vente devant un parterre de dix personnes. 14 heures, la vente débute avec la présentation du bien, un 4 pièces en PPE de 93 m2, estimé officiellement à 828’000 francs. Après un bref passage en revue des conditions de vente, de l’état des charges et des éventuelles questions, la fonctionnaire explique à son audience les règles en vigueur.
«Chaque offre doit dépasser de 10'000 francs la précédente. Pour enchérir, l’acquéreur potentiel a dû s’acquitter d’un acompte de 207’000 francs. Les offres sous conditions ne sont pas admises. Enfin, après la troisième criée, il ne sera plus possible de formuler une offre», indique-t-elle à l’assemblée qui demeure, pour l’heure, plutôt calme. La fonctionnaire entame les enchères avec une offre écrite du créancier (la banque) s’élevant à 473’000 francs. L’espace de quelques secondes, le silence est de mise. Puis, un jeune homme énonce son nom et prénom ainsi que le montant de 483'000 francs. Juste derrière, un autre homme relance les enchères à 493’000 francs au nom d’une société.
Une vente rapide et efficace
Bien décidé à ne pas lâcher l’affaire, le premier enchérisseur repart de plus belle à 503’000 francs. Tel un match de tennis, les deux hommes se renvoient la balle: 523’000 francs. 533'000 francs. 543'000 francs. 553’000 francs... tout d’un coup le silence se réinstalle dans la pièce où la majorité des personnes présentes semblent être simplement spectatrices du duel qui vient de s’achever. La préposée aux enchères crie trois fois l’offre à 553’000 francs du jeune homme représentant une société mais personne ne s’y oppose. Les enchères sont suspendues afin de procéder à la vérification des papiers d’identité et de l’acompte versé.
«Si la personne n’a finalement pas les fonds nécessaires, nous reprenons les enchères à l’offre précédente que l’on crie à nouveau trois fois. C’est pour cela que nous demandons toujours aux enchérisseurs de rester jusqu’à ce que la vente soit adjugée», décrit le directeur de l’Office, en fonction, approbateur de l’Office des faillites depuis 25 ans. Mais finalement, sur les coups de 14h14, la vente en question est prononcée. Le nouveau propriétaire, venu accompagné, quitte les lieux le sourire aux lèvres. 14h35, les enchères du deuxième appartement, un 4 pièces en PPE de 78 m2, cette fois-ci estimé à 830’000 francs, démarrent. De même que pour le précédent, on passe rapidement sur les conditions de vente, l’état des charges, les règles de l’enchère et les éventuelles questions.
L’enchère à ne pas louper
À nouveau, une offre écrite de la banque créancière est annoncée: 313’900 francs. Mais personne n’ose se lancer. Personne, sauf le jeune homme qui avait enchéri sur le premier bien en vente. Ni une ni deux (bien qu’il n’ait pas pu visiter l’appartement contrairement au précédent), il propose 323’900 francs, flairant la bonne affaire. «323'900 une fois. 323'900 deux fois. 323'900 trois fois. La vente est suspendue», clame la cheffe de service à 14h41. Après vérification des documents nécessaires, la vente est finalement adjugée à 14h51. Un prix exceptionnellement bas d’après l'approbateur: «Généralement on se situe un peu en-dessous du prix estimé et quelques fois juste au-dessus mais un tel écart est très rare!»
Aux anges, le jeune acquéreur n’en revient pas. S’il règle le solde du prix et les frais annexes dans les 60 jours, cet appartement au centre de Genève sera bel et bien à lui. De son côté, le représentant de la banque (qui s’était déplacé par mesure de sécurité) est lui aussi satisfait. «Les créances sont couvertes avec un petit bénéfice, c’est parfait», se réjouit-il. Au fond de la salle, une femme ronge son frein: «J’étais venue en observatrice pour voir comment se déroulait une vente aux enchères avant celle du 18 mars qui m’intéressait mais si j’avais su, je me serais positionnée sur ces biens!».
Le 18 mars justement, plus de 250 appartements se trouvant dans un pâté d’immeubles à Champel (GE), estimés pour un total de 260 millions de francs, seront mis aux enchères de l’Office cantonal des poursuites. Une vente qui promet!