A qui appartient Genève?
Voici 14 ans, feu le magazine l’Hebdo publiait un dossier zoomant sur les principaux propriétaires terriens du canton de Genève. immobilier.ch, avec l’aide de PilierPublic.com, a cherché à connaître comment la situation avait évolué depuis. Notre enquête.

A qui appartient Genève? Le 21 octobre 2010, feu le magazine romand l’Hebdo publiait un vaste dossier afin de tenter d’y répondre. Nous avons souhaité faire le point de la situation près de 15 ans plus tard. Voici nos principaux résultats en exclusivité, obtenus avec l’aide de la société PilierPublic.com.
Comme l’indique notre grand tableau présentant les 50 plus gros propriétaires du canton, ce dernier reste principalement détenu par les entités publiques, soit l’Etat de Genève, les villes de Genève, Plan-les-Ouates, Meyrin ou encore Lancy, mais aussi la Confédération, les CFF, les SIG, la Fondation pour les terrains industriels, l’Hospice Général ou encore la Fondation immobilière de la ville de Carouge. Ensemble, ces dix acteurs «publics» possèdent 1219 des 3167 parcelles retenues pour cette enquête, soit 38,5% du total. Précisons que le canton comprend environ 22’000 parcelles (ne sont comptabilisées que celles où il y a au moins un bâtiment d’habitation et/ou d’activités, en dehors de l’activité agricole et avec un seul propriétaire).
L’Etat champion

Si l’on prend l’Etat de Genève uniquement, il maîtrise directement plus de 3,2 millions de m2 de surfaces hors sol, ce qui en fait le plus gros propriétaire de Genève. Citons bien évidemment les immeubles situés 1, 2, 2bis, 6, 9 et 14 rue de l’Hôtel-de-Ville, les 7, 8 et 11 rue Jean- Calvin ou les 2 et 7 rue des Granges, pour ne prendre que les plus beaux fleurons de la Vieille-Ville. La liste est très longue et comprend plus de 400 bâtiments.
A ces biens détenus directement par l’Etat de Genève, il convient d’ajouter ceux qui sont détenus par la CPEG (la Caisse de prévoyance de l’Etat de Genève, fruit de la fusion en 2014 entre la CIA et la CEH). Or la CPEG possède presque autant de biens immobiliers que l’Etat (394), cela fait le second plus gros propriétaire immobilier du canton. Mentionnons notamment que la CPEG possède une grande partie du nouveau quartier des Charmilles. Enfin, citons aussi, au 14e rang, la Caisse de prévoyance des fonctionnaires de police et des établissements pénitentiaires (77 biens immobiliers sur Genève).
La Ville bien placée

Un peu plus surprenant, la présence de la Ville de Genève à la troisième place avec 378 parcelles, équivalant généralement à un bâtiment à chaque fois. Cependant, ce qui compte dans notre classement, c’est la surface en m2 hors sol des bâtiments en question (les étages étant comptés, mais pas les sous-sols). Dès lors, on constate qu’en termes de surfaces, la Ville de Genève ne possède que le tiers des biens de l’Etat.
Rares sont les acteurs privés à émerger aux premières places de ce classement : l’assureur Swiss Life (5e), la société immobilière cotée Swiss Prime Site (8e) et un second assureur vie, Allianz Suisse (11e). En ce qui concerne Swiss Life, sur ses 95 «possessions», 24 concernent sa propre caisse de pensions. Relevons que sur ces 95 immeubles, la moitié se situe en Ville de Genève. Mais signalons les sept bâtiments Minergie formant le nouveau quartier résidentiel Jean-Jacques Rigaud à Chêne-Bougeries (140 logements livrés en 2017-2018). Ou encore douze immeubles de logements au sein du nouveau quartier du Vélodrome à Plan-les-Ouates. A propos de Swiss Prime Site (SPS), on ne parle «que» de 21 parcelles/immeubles, mais il s’agit souvent d’immeubles de bureaux extrêmement bien situés: place du Molard, rue du Rhône, rue Neuve-du-Molard ou encore rue des Alpes. Sur ce nombre, quatre sont en fait en mains de la caisse de pensions de SPS Immobilien.
Des fondations «armées»

A Genève, il existe cinq fondations immobilières de droit public, dont les quatre plus grandes apparaissent dans notre tableau : la Fondation HBM Camille Martin (12e avec 64 parcelles représentant 40 immeubles contenant 1808 logements), la Fondation HBM Emma Kammacher (13e avec 45 parcelles, soit 40 immeubles abritant 1965 appartements), la Fondation HBM Jean Dutoit (17e avec 68 parcelles, généralement plus réduites, soit 70 immeubles comprenant 1864 logements) et la Fondation HBM Emile Dupont (29e avec 56 parcelles, soit 34 bâtiments et 1708 appartements). La 5ème fondation immobilière de droit public, René et Kate Block, n’apparaît juste pas dans notre Top 50. Elle contrôle néanmoins 847 logements, répartis dans 12 immeubles.
Nous avons aussi relevé la présence de quelques coopératives: la Société coopérative d’habitation Genève (SCHG), fondée en 1919 et qui gère près de 2000 logements répartis dans plus de 80 allées (14e dans notre tableau); la Fondation pour la promotion du logement bon marché et de l’habitat coopératif (FPLC), créée en 2001 par l’Etat de Genève et qui contribue à développer le parc de logements d’utilité publique (LUP) et à favoriser l’habitat coopératif. La FPLC a réalisé 1437 logements depuis 2006 et possède des surfaces en cours de développement qui permettront de passer à près de 2700 logements. Pas étonnant dès lors de la voir surgir au 18e rang. Enfin, mentionnons la Fondation Parloca Genève, créée en 1993, qui possède 17 immeubles sur le canton, représentant 1400 logements (44e dans notre classement, avec 29 parcelles). En effet, celle-ci propose des logements à des prix modérés.
Répartition entre les acteurs

Si l’on prend la peine de récapituler la répartition des biens immobiliers entre les différentes catégories de propriétaires, voici ce que cela indique: 45.4% des surfaces résidentielles et de bureaux sont en mains d’entités publiques ; les caisses de pensions en contrôlent près de 20% (19.8%); les principales fondations et coopératives en faveur du logement social gèrent 8.3% des surfaces; les «privés» possèdent «seulement» 9.2% des surfaces résidentielles et de bureaux à Genève (y compris la société du groupe Rolex, Marconi); les cinq principales assurances vie n’arrivent qu’à 8%; et enfin, les sept principaux fonds de placements immobiliers juste 6.5%. A ce propos, la part détenue par ces fonds a néanmoins doublé depuis 2010.
Concernant les fonds de placements, ceux qui apparaissent dans notre enquête sont : Swisscanto (qui gère près de 20 milliards, dont plus de 40% placés dans la pierre, soit 8500 appartements en Suisse); la Foncière (qui détient plus de 120 immeubles, généralement résidentiels, quasiment tous en Suisse romande, dont 45 sur Genève); le groupe Investis (un portefeuille presque exclusivement composé d’immeubles d’habitation situés dans la région lémanique, et plus précisément 72% à Genève et 22% sur Vaud); Edmond de Rothschild Real Estate SICAV (qui possède notamment 76 allées d’immeubles sur le territoire genevois et 35 sur Vaud, entre autres) ; Realstone SA (une société qui propose les fonds cotés Realstone RSF et Solvalor 61, ainsi que le Realstone Industrial Fund et Realstone Immobilier Résidentiel Suisse); Zurich Fondation de Placement (qui gère un patrimoine sous gestion de plus de 22 milliards de francs); et, encore le vaudois Patrimonium Asset Management (sa classe d’actifs dédiée à l’immobilier détient 183 biens en Suisse, représentant 5900 «unités de location»): Cette dernière gère notamment le Patrimonium Swiss Real Estate Fund dont la valeur du portofolio au 16 août s’élève à plus de 1,2 milliard de francs, Genève représentant 35% des immeubles, lesquels sont très majoritairement résidentiels. Il possède notamment deux allées dans la Cité du Lignon (Vernier).
En conclusion, il est à relever qu’il y a de moins en moins d’immeubles de bureaux et/ou résidentiels qui sont encore détenus par des personnes privées. Ainsi, dans notre classement, apparaît Oscar Weber (un entrepreneur défunt dont les principaux actifs avaient été acquis par Rentenanstalt en 2001, soit Swiss Life), Patek Philippe (le célèbre horloger appartient à la famille Stern), Rosetabor IV (administrateur unique Jean-Bernard Buchs), Caran d’Ache (contrôlé par trois familles) et enfin RI REALIM (famille Ohayon).
«Et la consommation?
«La Ville de Genève possède l’un des plus vieux parcs immobiliers (80 ans en moyenne) avec une consommation d’énergie (IDC = 460 MJ) légèrement supérieure à la moyenne (394 MJ) mais bien en deçà de Firmenich SA (713 MJ)... la lanterne rouge du Top 50 », observe Guilhem Tardy, fondateur de PilierPublic. com. «Un centre de loisirs détenu par l'Etat de Genève (à Vernier) est encore bien plus énergivore (IDC = 2'351 MJ).» Et de relever que paradoxalement ce sont «les fonds de placements et les assurances qui prêtent une plus grande attention au potentiel solaire de leurs parcelles (p. ex. Patrimonium Asset Management SA, avec 724 kWh de rendement électrique par m2 construit), ainsi que quelques acteurs publics (p. ex. la fondation Parloca Genève, avec 687 kWh).