24h dans les coulisses d'un centre commercial
Au coeur d'un quartier en pleine mutation, un bâtiment trône et attire les foules en son centre depuis plus de vingt ans: la Praille. immobilier.ch vous propose une plongée dans la gestion de ce site devenu un véritable temple de la consommation.
Aux aurores, non loin du fourmillement provoqué par le nouveau quartier de Pont-Rouge, à Lancy (GE), le centre commercial de la Praille s’éveille doucement. En apparence calme, ce bâtiment triangulaire, dont les deux puits de lumière forment des ellipses, semble encore éteint, figé dans la pénombre. Pourtant, depuis 4 heures du matin, les boulangers de l’hypermarché Coop s’activent à enfourner leur pain tandis qu’au même moment, un ballet de camions s’organise en coulisses. Au gré des livraisons qui s’enchaînent, pas moins de 40 camions se succèdent quotidiennement à l’arrière du mégacentre.
Le temps file... 6 heures du matin, c’est au tour des équipes de nettoyage d’entrer en action pour rendre les 30'000 m2 de la Praille comme neufs dans leur sillage. En sous-sol, sous leurs pieds, les commerçants défilent dans les couloirs de béton brut pour faire ou défaire les cartons des espaces de stockage et finir leur mise en place avant l’ouverture. Sur les coups de 7 heures, les grilles métalliques du supermarché se lèvent enfin. C’est alors aux premiers clients d’entrer en terrain conquis, observés du coin de l’œil par les habitués, assis sur un banc, un café à la main.
Un écosystème vivant...
Telle une routine bien rodée, à tour de rôle, les 78 enseignes de ce village miniature ouvrent leurs portes une à une, happant au passage quelques curieux. Les entreprises d’habillement ou encore de services feront vivre le rez-de-chaussée ainsi que le premier étage à minima toute la matinée, tandis que le food-court et ses 450 places assises devra patienter jusqu’à midi pour faire salle comble. L'après-midi et le soir, ce sera au cinéma (1500 places), au bowling (26 pistes), au fitness (avec piscine d’eau chaude) ou encore à la garderie (800 anniversaires par an) situés au dernier étage de faire appel d’air.
Un écosystème où pas moins de 4,5 millions de visiteurs se côtoient en moyenne par année, faisant cohabiter adolescents, familles et retraités au sein d’un même lieu. Derrière cette mécanique bien huilée, une équipe technique de cinq personnes (dont certaines sont présentes depuis la construction du centre en 2002) veille au grain tout au long de la journée. Accourant à chaque panne d’ascenseur, cas de voiture bloquée dans le parking ou d’ampoule à changer, il faut alors dévier les flux, savoir bricoler, appeler des spécialistes et traiter chaque urgence comme une course de fond, dès que les premiers clients du centre passent le pas de la porte.
...à gérer et à développer
Pour piloter le tout et gérer les crises, telles que la pandémie de coronavirus, l’équipe de Wincasa (leader du domaine avec une trentaine de centres commerciaux sous gestion dans le pays) reste pour sa part dans l’ombre. Quatre personnes sur place ont pour mission d’assurer la commercialisation de ce site qui figure parmi les plus grands centres commerciaux du pays.
Continuer à rendre le centre attractif à l’ère du e-commerce et après plus de 20 ans d’existence, leur défi est de taille... La Praille cherche ainsi continuellement à se renouveler. Bien que 70% de ses enseignes soient les mêmes depuis une décennie au moins, divers développements sont à prévoir. Comme en 2014, avec l’arrivée du cinéma (extension et surélévation de l’édifice) ou l’élargissement du food-court, une branche qui dope tout particulièrement l’activité de ce temple de la consommation. «Aujourd’hui, nous examinons surtout les possibilités pour étendre notre offre dans le domaine de la santé», complète Jérôme Borfiga, directeur de la Praille.
Mais en toile de fond, transition énergétique oblige, le site se repense aussi pour devenir plus durable. Notamment avec un centre de tri au sous-sol, «une micro-déchetterie qui permet de recycler, reconditionner et évacuer nos déchets alimentaires, de papier, de bois, d’huiles etc, en gros volumes», commente son directeur. «Nous avons des programmes à moyen et long termes. Nous avons par exemple, déjà installé de l’éclairage LEDs et des panneaux photovoltaïques sur le toit», ajoute le dirigeant.
D’autant que ce centre ne dort presque jamais, les lumières s’éteignant tard dans la nuit. Ce soir-là d’ailleurs, comme chaque jour, les clés à la main, la sécurité vient actionner le verrou et les alarmes dans un calme absolu. Durant un court instant de tranquillité, la Praille se plonge à nouveau dans le noir. Une pause bien méritée avant que les 500 employés du centre ne reviennent le lendemain. Rejouant ainsi éternellement la même chorégraphie millimétrée, et ce, dès les aurores.
Le marché des centres commerciaux
Entre 2001 et 2010, pas moins de 58 nouveaux centres commerciaux ont été construits en Suisse (+1 million de m2 = 138 terrains de football), soit un peu plus que le précédent record réalisé entre 1971 et 1980 qui a vu émerger de terre 47 édifices. Un rythme spectaculaire qui s’est vu ensuite ralenti sur un marché helvétique arrivé à saturation dès 2014.