«Apprenons à rire sans heurter les minorités souffrantes»
Woke culture, guerre en Ukraine, probables restrictions en termes d’énergie: pouvons-nous toujours rire de tout? Oui, bien évidemment grâce à la Revue genevoise jusqu’au 31 décembre.
Comme le rappelle son producteur, Frédéric Hohl (qui fut le directeur exécutif et producteur de la dernière Fête des vignerons), «la Revue est un spectacle de création et une PME éphémère et locale d’environ 100 personnes, 400 heures d’écriture, 500 heures de répétitions et près de 200 costumes».
Fabienne Fischer, invisible
La Revue n’a pas pris une ride, d’autant qu’elle est dirigée artistiquement de main de maître par les talentueux Claude-Inga Barbey et Laurent Deshusses. La première continue de jouer le fil conducteur mais non plus dans son personnage de femme de ménage espagnole, mais de Jacqueline la psychologue. «Je suis là pour vous apprendre à rire de façon politiquement correcte. Je ne veux pas de rires spontanés, cela pourrait heurter les minorités souffrantes.»
Absente lors de la première du 13 octobre réservée aux autorités cantonales, Fabienne Fischer, la nouvelle conseillère d’Etat verte, n’est pas épargnée. Cette dernière est invisible, comme dans le très beau sketch consacré aux Bains des Pâquis («Coin coin aux Bains bains»). Idem pour l’autre conseiller d’Etat absent, Serge Dal Busco, l’élu du centre sortant chargé de la Mobilité au cœur du sketch intitulé «En avoir ou pas» qui revient sur l’éviction de Corine Moinat Vité de la présidence du conseil d’administration de l’Aéroport international. Très bien rythmé, sur une musique de Michel Berger, ce sketch dévoile ce qui serait à l’origine du départ de cette femme très appréciée.
Comme le veut toute Revue digne de ce nom, nos élus ne sont pas épargnés. Seule femme de droite au Conseil administratif de la Ville de Genève, Marie Barbey-Chappuis ne pouvait passer entre les gouttes après avoir chassé les forains des quais et fait fermer les terrasses des restaurants à minuit du dimanche au jeudi compris. Cela lui vaut un surnom mérité: «Barbante-Chappuis»: «Grâce à moi, il n’y a plus de Fêtes de Genève et je vais faire fermer cette salle pour la transformer en fitness.» Logique aussi de s’en prendre aux Verts genevois qui veulent interdire à leurs membres de manger de la viande en public. Cela donne un sketch où tous les comédiens se transforment en pétomanes à force de ne manger que des choux et des lentilles. Très applaudis.
Prince déboulonné
Le sketch qui donne le plus à réfléchir sur certaines dérives actuelles est sans conteste celui qui ouvre la seconde partie: «Prince empêché et la princesse me too». Laurent Deshusses joue le rôle d’un prince charmant que des jeunes militants veulent déboulonner de sa statue. C’est complètement décalé. Excellent. «The world is changing», relève une
Elisabeth II, tout en sobriété. Joli succès aussi du sketch consacré à la féminisation des noms de rue où Jacqueline la psychologue reçoit la conseillère nationale Céline Amaudruz qui veut une rue ou une place à son nom, sur fond de Stromae («Papaoutai»). Enfin, la Revue a osé traiter du cas des Ukrainiens logés chez les Genevois.
A découvrir absolument!